
Le 22 janvier prochain, il y aura dix ans que j’ai reçu le diagnostic de la SLA. «Qui l’eût cru?» comme se plaît à dire mon amie Julie (elle l’ajoute dès que le contexte le permet tellement elle aime cette expression). Je me rappelle de ce jour fatidique comme si c’était hier. Moi, impassible devant le neurologue que je bombardais de questions et Jocelyn qui tournait en rond dans le fond du bureau en pleurant.
Tel qu’inscrit dans mon livre :
Le médecin se met à table : « Je vais vous annoncer ce dont vous souffrez, commence-t-il d’un ton grave. Il va cependant falloir que vous ayez beaucoup de courage. » Je tremble. Jocelyn demeure impassible. « Chantal, vous êtes atteinte de la sclérose latérale amyotrophique, aussi appelée la SLA.» Je reste silencieuse, mais interrogative. Qu’est-ce que cette bibitte-là ? Je n’ai jamais entendu parler de cette maladie ! Tout en contrôle, le neurologue continue de parler. Il donne lentement des explications. S’écoulent de sa bouche d’autres mots étranges, rares, que l’on n’entend que dans des films tristes où le drame nous arrache des larmes. Vient ce moment où il prononce quatre mots bien particuliers, qui tombent comme une lourde sentence : « maladie neurologique dégénérative incurable». Quatre funestes mots qui résonnent puissamment dans ma tête, telle une condamnation. Des mots qui coupent le souffle et tranchent tout espoir. Jocelyn se lève subitement et marche. Il se rend jusqu’au fond du bureau. En s’éloignant du médecin, il espère repousser les mots qu’il vient d’entendre, ignorer la sentence qui a déchiré le silence. Je le vois blessé, meurtri de l’intérieur. On le poignarde en anéantissant celle avec qui son bonheur s’est construit. L’émotion le submerge. Il sanglote et tourne en rond, comme une bête sauvage. Il se sent piégé. On lui enlève sa liberté d’aimer et de vivre avec son âme sœur. Il ne veut pas entendre, il ne peut plus en entendre davantage. Pour ma part, je reste assise, sans bouger, sans parler. Puis, je me décide à poser au médecin l’ultime question : « Combien de temps me reste-t-il ? »
— Entre deux et cinq ans, répond le neurologue. Malheureusement, il n’y a aucun traitement possible.
Cette sanction de fin de vie arrive alors que je n’ai que 46 ans. Mais c’est trop jeune ! C’est trop injuste ! Pour l’instant, je refoule cette révolte en dedans de moi. Je demande des précisions au médecin: «Ça va se passer comment?» La tonalité de la voix du spécialiste ne change pas. Pourtant, ses propos prennent une dimension effrayante : «Votre corps va graduellement arrêter de fonctionner. Il va vous abandonner et paralyser. Seuls votre cerveau, vos yeux et vos fonctions urinaires et sphinctériennes seront épargnés. À la toute fin, votre diaphragme cessera de fonctionner et vous arrêterez alors de respirer. »

Je ne pensais pas me rendre à 50 ans. En fait, j’ai doublé l’espérance de vie annoncée par mon neurologue. Il ne faut jamais croire les statistiques que nous fournissent les spécialistes. Ils n’ont pas de boule de cristal. Pendant ces dix ans, nous avons dû adapter la maison de Lorraine et par le suite notre nouveau condo, utilisé 3 fourgonnettes adaptées, une canne, une marchette, des barres d’appui, un fauteuil roulant manuel, une chaise d’aisance, une chaise de douche, un lève-personne manuel et ultérieurement électrique, un lit d’hôpital muni d’un matelas thérapeutique gonflable, une machine à succion, une multitude de seringues de gastrostomie pour m’administrer mes médicaments, un Bipap et finalement un fauteuil motorisé auquel je fais la vie dure. Je recevrai mon nouveau fauteuil au cours des prochains mois. Celui-ci sera doté d’une manette de contrôle ultra moderne me permettant de contrôler la télévision et autres accessoires wifi et bluetooth de la maison. Comme vous le constatez, l’adaptation est devenue notre leitmotiv!

Aujourd’hui, je vais bien. J’ai appris à accepter la maladie. Je suis sereine. En dix ans, je me suis habituée aux nombreux deuils, aux ravages de mon corps et à ma perte d’autonomie. J’ai également appris qu’il y a du bon en chacun de nous, à surmonter mes jours de détresse, à cultiver ma spiritualité, à être reconnaissante pour chaque instant additionnel que me donne la vie, à ne pas m’attarder à l’image, à nourrir les liens du cœur et à pleinement savourer les petits détails de la vie qui passent souvent inaperçus.

La chose que j’ai surtout apprise c’est qu’être bien entourée, amène réconfort et chaleur lorsque la tempête sévit. Je crois fermement que sans « mes précieux » jamais, je n’aurais pu dépasser l’espérance de vie que l’on m’avait prédit. Preuve est faite que les statistiques existent pour être déjouées. Merci à tous ceux qui tenus ma main pour un instant en participant aux nombreux événements pour la Société SLA et à tous ceux qui rendent ma vie plus vibrante. Vous êtes indispensables et vous faites la différence dans mon quotidien.








Je suis toutefois consciente que plusieurs personnes atteintes de la SLA n’ont pas ma chance. Ils sont partis beaucoup trop rapidement. D’ailleurs, je leur dédie cette chronique ainsi qu’à leurs proches.
Chantal Lanthier
J’adore te lire et apprendre comment tu t’adaptes aux nouvelles circonstances et besoins changeant de ta vie. Cela nous aide et nous inspire. Continue ton beau travail en compagnie de ton amoureux. Vous méritez une Bonne Année 2023 et plusieurs autres aussi.
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Merci Gilles. Bonne année à toi aussi xxx
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Merci de nous donner espoir d’un bonheur possible et certainement un exemple à suivre malgré cette impitoyable maladie. Et que ça continue.
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Merci Isabelle. Bonne année xx
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Bravo et surtout merci pour toutes ces informations que tu nous as révélées depuis tout ce temps. Je suis certaine que cela a beaucoup aidé des gens touchés par cette maladie. Sans compter, que ça nous permet de se rendre compte à nous aussi, que nos petits problèmes quotidiens c’est de la petite bière si nous avons la santé. Merci! Bonne année 2023!
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Merci Doris. Bonne année à toi aussi xxx
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Bonjour chère Chantal et cher Jocelyn,
Vous êtes merveilleux et je pèse mes mots.
En ces temps très difficile où notre société se cherche, vous nous donnez généreusement votre COFFRE D’OUTILS pour Vivre votre quotidien qui n’est pas de tout repos.
Merci pour ce don de soi. vous êtes très très inspirants.
Amitié
Gilles
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Merci Gilles. Je me souviens de la belle Sylvie quand je vois ton nom xxx
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Merci Chantal pour le beau texte…… j’adore te lire. Bonne année à toi et à ton amoureux!
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Merci Marie-Eve. Bonne année à toi aussi xxx
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Belle Chantal, encore une fois un gros merci pour ce partage incroyable qui démontre tellement ta force de caractère qui t’amène à faire au mieux avec ce que tu as.
Je retiens tes grandes facultés de débrouillardise, de négociation, d’adaptation, ainsi que ta persévérance sans faille dans ta recherche d’informations et d’outils de toutes sortes. Et par dessus tout, je retiens cet immense empathie, ce don de soi, ce don que tu as de partager tes découvertes si difficilement acquises avec les gens. Que ce soit pour le côté pratique pour les personnes qui sont malades ou bien pour le côté spirituel, tout le monde y trouve son compte à la lecture de ton vécu.
Chantal, Je te souhaite le meilleur pour 2023 et surtout continue ton merveilleux blog j’ai toujours hâte de te lire et de méditer sur les sujets que tu abordes.
Affectueusement, Nicole xxx
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Merci Nicole. Bonne année à toi aussi xxx
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Que de chemin parcouru depuis ton diagnostic. ! Qui disait que la Vie n’est pas un fleuve tranquille ? Que de souffrances psychologiques, physiques, etc, Que de résilience de ta part depuis qu’on t’ait annoncé de terrible diagnostic
Que de beaux messages tu as parsemés sur la route de nos pas aveugles et insouciants pas de nos quotidiens.
Chantal, mille mercis à toi. Si tu savais comme tu as été une bouée de secours pour moi personnellement et surement pour d’autres, en nous ouvrant les yeux devant notre démission face à nos vécus tellement plus faciles que ton vécu depuis toutes ces années, jour après jour.
Tu as su nous botter le cul, (c’est français tu sais 🙂 – à toutes les semaines, à tous les mois etc etc. durant plusieurs années avec tes articles incluant la description de tes journées quotidiennes, sans gémissements, sans retenue, gardant toujours ta Foi et ton sourire contagieux.
Que l’années 2023 soit bonne pour toi, le plus possible et également pour Jocelyn ton aidant » surnaturel » 🙂 gigi
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Merci Ghislaine. Bonne année à toi aussi xxx
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Oh, celle-là est particulièrement touchante Chantal. Comment une écriture aussi simple, directe, claire peut-elle émerger et traiter d’une maladie aussi complexe. Je te souhaite une douce année 2023.
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Merci Céline. Bonne année à toi aussi xxx
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Chantal, tout simplement je t’aime, sans te connaitre. Bonne année 2023 a toi et Jocelyn xxx
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Merci Suzanne. Bonne année à toi aussi.xx
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