Avez-vous vu le reportage de TVA du 16 novembre 2020? Il parlait de Patricia Gilbert, une jeune femme qui a appris qu’elle était atteinte de l’Alzheimer alors qu’elle n’avait que 47 ans. Toujours selon l’article : « Peu affectée par la maladie et remplie d’énergie, elle avait accepté de parler de ce diagnostic très précoce au journaliste Harold Gagné il y a environ quatre ans. Elle racontait que les personnes plus jeunes qui souffraient de la maladie refusaient d’en parler mais elle, souhaitait le faire. Depuis, la maladie a complètement transformé Patricia Gilbert qui a aujourd’hui 51 ans. Bien qu’elle eût gardé un contact régulier avec le journaliste Harold Gagné, avec qui elle a parlé au téléphone, elle ne l’a pas reconnu lors de leur dernière rencontre ».
Ce qui m’a particulièrement frappée, au moment de regarder ce reportage, c’est la détresse de son conjoint ainsi que la photo avant et après (soit 4 ans plus tard) de Patricia. Il ne s’agissait plus de la même femme. Maladie maudite!
Contrairement aux personnes qui souffrent d’alzheimer, je garde toute ma tête et mes souvenirs demeurent inaltérés, plus lumineux même. Je me suis longtemps demandé ce qui était préférable : des membres qui fonctionnent sans le support de l’esprit, ou un esprit en ébullition dans un corps en panne? Je conclus que je n’échangerais ma place avec personne. J’ai le privilège de pouvoir faire appel à ma mémoire et la capacité de me retrancher derrière des souvenirs heureux lorsque je vais moins bien. Mes pensées me vivifient. Elles jouent un rôle déterminant pour ma santé. Je ne laisse pas la SLA gruger ma tête ; je ne lui laisse que mon corps.
Le dilemme de l’aidé qui a toute sa tête se situe quelque part entre le « lâcher prise » et la persistance. La relation entre l’aidé et l’aidant est constituée de nombreuses négociations et concessions de part et d’autre. Il faut considérer que MON corps m’appartient mais c’est quelqu’un d’autre qui s’en occupe. Pas facile quand ma tête et mon esprit me dictent ce qu’il faut faire à mon corps mais que cette demande doit passer par une personne. Pour vous donner quelques exemples : Jocelyn me lave et me sèche après la douche. Je m’aperçois que mon cou est mal essuyé. Je lui mentionne. Il me répond je l’ai déjà fait. Je lui dis de le refaire. Autre exemple: J’hais me faire habiller. C’est souvent source de tensions entre Jocelyn et moi. Les manches longues des chandails sont mal ajustées, coincées. Ça tiraille, je soupire fort et je sacre (même si on ne peut entendre clairement mes mots). Ça me rappelle Maya, enfant qui ne voulait pas mettre son habit de neige! Cela peut sembler banal pour le commun des mortels mais il faut parfois user de persuasion pour obtenir ce que je veux et ne pas faire sentir l’aidant comme inadéquat. Ça dépend du degré de susceptibilité de chacun et si l’aidant/l’aidé a une mauvaise journée.
Parfois, c’est l’aidant qui impose les règles pour son bénéfice. Jocelyn tient à me mettre un bavoir quand je mange du chocolat parce qu’il ne veut pas que je me salisse et qu’il ait à me changer par la suite. Il a raison alors j’abdique malgré que je déteste ça.
Les problèmes de communication viennent souvent compliquer les négociations. Je me vois limitée dans mes possibilités de comportement. Je ne peux pas foutre le camp quand je suis frustrée et je dois quand même lui demander de l’aide pour aller au p’tit coin! Les difficultés d’élocution provoquent des tensions. Tout le monde s’énerve. Lui parce qu’il ne comprend pas ce que je demande. Et moi parce que j’ai l’impression d’être bâillonnée. Parfois, j’abandonne et préfère ne plus essayer, au grand désarroi de mon amour.
Les situations entre les aidants et les proches sont aussi nombreuses qu’il y a de personnes. Chaque « couple » aidant/aidé développe sa propre spécificité. Les difficultés relationnelles, parfois rencontrées au quotidien, naissent surtout des difficultés de communication. La personne aidée en perte d’autonomie doit faire avec, ce dont elle dispose. L’aidant, dans son rôle, doit donc sans cesse s’adapter pour que la relation d’aide soit la plus équilibrée possible. Il ne doit pas faire preuve de complaisance sous prétexte que l’aidé est atteint d’une maladie dégénérative incurable.
La peur de devenir une « charge » pour le conjoint, de déranger, la perte de l’estime de soi face à ce corps qui n’obéit plus, la douleur et surtout la souffrance psychologique sont autant de facteurs pour lesquels l’aidé, qui possède toute sa tête, peut démontrer tristesse et découragement.
Voici mes conseils pour les aidés :
- Nous avons tous des attentes vis-à-vis de nos proches, ce qui est tout à fait normal. Nous espérons secrètement qu’ils devinent naturellement ce dont nous avons besoin. Cependant, ils ne lisent pas dans nos pensées et ne savent pas comment nous soutenir. Il faut exprimer nos besoins et nos inconforts sans tarder.
- La maladie est en vous, pas en l’aidant. Il fait ce qu’il peut pour vous aider.
- Partagez vos émotions. Certains jours vous aurez besoin qu’on vous « booste » et d’autres, vous aurez simplement envie qu’on vous laisse tranquille.
- Communiquez adéquatement vos besoins en faisant preuve de patience.
La relation aidant/aidé comporte plusieurs sources d’irritation, de découragement, de sentiment d’impuissance, d’interrogation. Il s’agit d’un fragile équilibre qui peut se fracturer facilement. Il faut plutôt s’en servir pour faire avancer la relation. Faire confiance en ses intuitions et son ressenti, est une façon d’intervenir.
Ne rien brusquer, savoir observer, être patient, se découvrir dans nos rôles respectifs aidant/aidé, s’ouvrir à l’autre, oser exprimer ce que l’on ressent sans tomber dans le jugement c’est ce que Jocelyn et moi tentons de faire au quotidien malgré les difficultés.
Chantal Lanthier
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Bonjour Chantal, j’aime beaucoup te lire, je me reconnais beaucoup dans ce que tu as écrit et moi j’ai de la difficulté à parler maintenant et je doit répèter
souvent et je me fâche et sa fâche mon conjoint aussi qui a de la difficulté à me comprendre. Moi aussi je me comparais à d autres maladies incurable c’est que nous on a le temps de profiter de la vie et voir le monde qu on aime. Malgré que c’est une maudite maladie.
Et grâce à toi Chantal je garde le moral après un an de mon diagnostic et ton texte m apporte a faire une réflexion sur mes impatience.
Un gros MERCI ! Bisous 🥰
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Huguette, toi et moi, partageons le même combat. Lâche pas. Un jour à la fois. Savourons chaque instant de beau que la vie apporte. Bisous.xxx
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Vous êtes tellement fort!! Tu nous porte tellement à réfléchir!! Tu sais ma belle Chantal ce n’est pas juste en raison de maladie qu’un humain pense que le conjoint ,enfant,frère sœur devrait deviner ce que l’autre ressent!! Beaucoup de gens devrait te lire !! Je vs aimes tellement ♥️♥️♥️
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Je t’aime xxx
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Bonjour Chantal, que j’adore te lire. Quelle personne magnifique tu es! J’ai toujours une pensée pour toi quand je me plaint à moi même. Tu es une grande dame très forte. Tu as tout mon respect. Continue d’écrire c’est bon de te lire! Joyeuses Pâques à ta famille et toi! Xxx
Linda Parent ❤
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Merci Linda pour ton petit mot. Bonne journée.
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Toujours tellement pertinent et difficile tout de même à entendre, voir parfois. Je condamne haut et fort toutes maladies, même si ces maudites m’ont donné du boulot durant une quarantaine d’années ! Ah ciel ! Bouddha disait que la vie est » souffrance « . Le lâcher prise n’est pas facile pour les aidés et aidants je suppose. Je ne sais pas oû vous prenez ce courage et je vous souhaite des journées sans souffrance. Je vous souhaite encore et encore des journées de sérénité, de calme, de joie malgré tout .
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Merci Ghislaine pour ton petit mot. Bonne journée.
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Vous êtes très chanceuse d avoir votre conjoint qui vous aide.et vous aime…malheureusement .c’est pas le cas de tout le monde car oui c’est la vrai réalité….c’est un gros fardeau pour le conjoint qui pour lui non plus n a plus de qualité de vie…
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Merci de parler franchement de ce qui s’en passe entre aidant- aide. Mon mari a la SLA et en prime l’aphasie c’est installé tranquillement. Donc, il cherche et mélange ses mots continuellement. Un exemple, l’autre Jour il m’a demandé un pouding au chocolat mais il me montrait les armoires de cuisine et me disait… Canada, canada. J’ai cherché longtemps. Et naturellement la colère et la frustration c’est installé des deux côtés. Après, on en a rit mais sur le coup…ouf. Et c’est toujours comme ça. Quand je vous li je trouve ça merveilleux que vos pensées soient si claires. je vous souhaite une Joyeuse Pâques et plein de bons moments ainsi qu’a votre conjoint.
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L’aidant est indispensable pour l’aidé. Sans vous, que faire? Merci d’être là pour lui. Vous semblez faire équipe malgré l’épreuve. Bonne continuité.
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Oui, une chance qu’on s’a!!
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