Il m’arrive de participer à des concours d’écriture de nouvelles. J’aime le défi que cela représente. Je n’ai jamais gagné jusqu’ici mais je ne désespère pas. Vous savez comme j’aime écrire! Je partage donc avec vous une nouvelle qui j’ai écrite l’an passé. J’espère que vous l’aimerez. Bonne lecture!
Heureux hasard
Quand je vais à Québec, je ne peux m’empêcher de m’arrêter à la librairie Une Page à la fois. Cet endroit m’attire comme le sucre attire les abeilles. À chaque visite, je suis fébrile à l’idée de rencontrer Madame Théorêt que j’appelle affectueusement « Madame Bonheur ». Elle est si attentive aux besoins de ses clients. Comment ne pas aimer sa chevelure argentée et ses yeux pétillants quand elle nous parle de ses nouveautés? Un petit mot bienveillant attend chaque client qui franchit le seuil de sa porte. Cette librairie existe depuis des décennies et la propriétaire se plaît à dire qu’elle est tombée en amour avec l’emplacement dès qu’elle l’a vu. Située sur la rue de la Couronne en plein cœur de la basse-ville, elle fait partie intégrante du rythme de la vie qui s’écoule dans ce quartier. Madame Bonheur nous transmet sa passion pour la lecture. On sent bien que pour elle c’est toute sa vie qui tient dans cet endroit.
C’est durant une de mes visites de la basse-ville que j’ai découvert ce lieu enchanté. De l’extérieur, la vitrine était quelconque et n’affichait rien de particulier. En m’approchant, j’ai toutefois été attirée par une paire de lunettes et un vieux manuscrit qui trônaient parmi les livres exposés. Intriguée, je suis entrée. Une vieille dame était à la caisse. Elle m’a regardée avec un sourire invitant les confidences. Je lui ai demandé à qui appartenaient les objets en vitrine et quelle était leur histoire. C’est alors qu’elle me raconta comment son grand-père avait parcouru le monde et avait tenté d’écrire ses mémoires. N’ayant jamais fait l’objet d’une publication, elle lui rendait ainsi hommage en exposant ses items. Son grand-père me dira-t-elle, a peuplé son enfance de récits d’aventures fantastiques. Ce n’est d’ailleurs que dans les livres qu’elle a pu retrouver ce sentiment d’engouement que lui procuraient les péripéties de son aïeul.
Après notre conversation, Madame Théorêt m’invite à visiter sa librairie. Dès que mes yeux explorent l’endroit, je suis tentée de me mettre à courir comme un enfant dans un magasin de bonbons. Au lieu de cela, je règle la vitesse de mon fauteuil roulant en mode « tortue » de façon à savourer pleinement les odeurs que me transmettent les livres nouvellement imprimés. Et me voilà partie à l’aventure, découvrant les rayons et me demandant quel livre j’achèterai aujourd’hui. Me laisserai-je tenter par une page couverture aux multiples couleurs ou peut-être par les recommandations que me fera ma libraire nouvellement rencontrée?
Ce qu’il y a de merveilleux dans cette libraire c’est avant tout, ses allées dégagées qui me permettent de circuler aisément en fauteuil roulant. Je n’ai pas à m’inquiéter d’accrocher des choses ou d’écraser les pieds des autres clients. Je peux y flâner à mon aise. Elle n’est pas semblable à ces librairies des grandes chaînes où l’on cherche les commis et où tout est si impersonnel. Que non ! Cette librairie est unique! Elle a du caractère. Madame Bonheur a même pensé à aménager des tables amovibles permettant à une personne en fauteuil roulant de s’installer confortablement pour feuilleter les livres. Elle s’est donné à fond pour rendre l’endroit coquet et singulier. On s’y sent chez soi avec ses belles bergères et ses cousins aux couleurs de la mer. Rares sont les havres de paix pour les personnes à mobilité réduite. Je pourrais facilement y passer la journée tant l’endroit me plaît.
Pour une personne ayant des limitations physiques, les livres sont des oasis de bonheur. L’évasion parfaite pour me libérer de mon corps devenu si lourd. C’est à partir de cet endroit exclusif que j’accède au plus beau des voyages et que mon imaginaire laisse place à un monde sans contraintes et limites. Mon quotidien n’est pas toujours facile et c’est lorsque mon moral est au plus bas que je me « paye » une petite virée à Québec.
Une Page à la fois m’ensorcelle et m’entraîne dans sa belle folie de vivre pleinement l’instant présent. Éloge à la lenteur et à la culture, l’instant où tout s’arrête et où j’oublie ma condition.
Lors de ma dernière visite, la propriétaire me confie que son fameux grand-père avant son décès, était atteint de la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Dans les dernières années de sa vie, il avait besoin d’une assistance continuelle et ne se déplaçait qu’en fauteuil roulant. Il était complètement paralysé mais son cerveau fonctionnait parfaitement, fourmillant d’idées et en ébullition jusqu’à la fin de sa vie. «Une cruelle maladie a emporté ce grand-père que j’aimais tant», me dit-elle. C’est alors que je comprends, que tout se met en place. Je saisis maintenant ce qui me lie à ce lieu et sa propriétaire et pourquoi je suis habitée de ce sentiment de réconfort lors de mes passages. Je suis abasourdie par cette confidence. Une vague d’émotions me happe et les larmes inondent mes yeux. Aussitôt que ma voix me le permet, je la regarde intensément et je lui murmure avec difficulté : «Moi aussi, j’ai la SLA».
Chantal Lanthier
**** Si vous aimez mes chroniques, abonnez-vous! C’est simple, vous n’avez qu’à entrer votre adresse courriel dans la section noire au bas de cette page****
;-). Merci de partager cette belle histoire. Xoxo. La vie a le don d aligner les choses.
J’aimeAimé par 1 personne
Merci mon amie.xxx
J’aimeJ’aime
Toujours agréable de te lire
J’aimeAimé par 1 personne
Toujours un plaisir de vous lire aussi, chaque billet est le bienvenu. Merci!
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Doris.
J’aimeJ’aime
Toujours intéressant de te lire et parfois difficile mais tes mots sont une leçon de vie
Merci chantal
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Jean-Pierre.
J’aimeJ’aime
Quel hasard!!!! Tu m’as fait pleurer!!!! Mais ce sont de petites larmes d’amour 😍Si jamais je vais à Québec j’irai voir Madame Bonheur…….Merçi Chantal xxx
Envoyé à partir de Yahoo Courriel sur Android
J’aimeAimé par 1 personne
Bonjour Anne-Marie, je suis heureuse que ma nouvelle t’aies plu. Je dois te dire qu’elle est totalement fictive. Je l’ai inventé. Bonne journée.xxx
J’aimeJ’aime
Dimanche dernier, lors du dîner spaghetti à Terrebonne, le conseiller municipal Jacques Demers nous a mentionné que sa mère était décédé de la SLA.
J’aimeAimé par 1 personne
WOW ! Je n’avais pas remarqué le titre… Heureux hasard…
J’aimerais ajouter ou Merveilleux rendez-vous de la VIE …
J’aimeAimé par 1 personne
WOW ! Gratitude à vous pour ce magnifique, touchant et bouleversant récit.
Je vous souhaite une excellente journée ou mieux encore …🙏
J’aimeAimé par 1 personne
Merci Kathleen!
J’aimeJ’aime