Il y a un million de choses que vous pouvez faire dans une journée par vous-même. Vous ne le demandez pas; vous avez simplement à vous lever et vous le faites. Que ce soit de vous gratter, de remettre en place vos vêtements ou simplement replacer une mèche de vos cheveux qui vous achale. De simples gestes anodins, posés quotidiennement, sans qu’on y pense. Et si vous ne pouviez plus? Et si vos moindres gestes dépendaient des autres? Seriez-vous suffisamment patient? Maintenant, pensez à un poupon. Les bébés sont aussi démunis et vulnérables que je le suis et la plupart des adultes leur viennent en aide rapidement. Mon amour fait tout ça pour moi et même plus.
Prodiguer quotidiennement les soins et l’encadrement à un proche souffrant de la SLA représente une lourde tâche, qui requiert beaucoup d’énergie. Les écueils sont nombreux et la menace de l’épuisement, omniprésente. Un répit s’avère alors nécessaire pour recharger les piles.
Deux options s’offrent à l’aidant. La première, la plus appropriée, est de trouver une relève en faisant appel à la famille, aux proches ou à des organismes offrant du répit à domicile. Cette nouvelle personne-ressource permet à l’aidant de « décrocher », de quitter le domicile pour quelques heures, voire quelques jours. La personne choisie doit toutefois être en mesure de répondre pleinement aux besoins de la personne atteinte; autrement, cela troublera la tranquillité d’esprit de l’aidant et empêchera tout véritable repos. Moi, j’ai cette chance. La fille de Jocelyn, Marie, vient à domicile offrir un répit mérité à mon amour.
Dans l’éventualité où la première option ne pourrait être retenue, l’option du séjour en CHSLD demeure la seule autre possibilité. Ce choix n’engendre pratiquement aucun coût pour la famille. Un CHSLD est un centre d’hébergement et de soins de longue durée pour les personnes âgées ou dont la condition requiert une surveillance constante et des soins spécialisés. Ces établissements assurent un suivi médical sur place, la gestion des médicaments, les soins d’hygiène, les soins spécialisés (ergothérapie, physiothérapie, etc.) en proposant à leurs résidents plusieurs activités et loisirs. Seulement 10% des personnes résidant en CHSLD ont moins de 65 ans. Cette option n’est pas des plus appropriées, puisque les CHSLD, pour la plupart, détiennent peu des ressources utiles pour répondre aux besoins particuliers d’une personne atteinte de la SLA. Au fil des dernières années, j’ai pu constater et partager avec d’autres personnes souffrant de la SLA les mauvaises expériences vécues lors de courts séjours en CHSLD. La méconnaissance de cette maladie chez le personnel a entraîné de nombreux problèmes.
Il n’est pas normal, à mon sens, de laisser les plus vulnérables de notre société patienter dans leur couche pleine d’urine pendant des heures. Pas normal, non plus, de ne pas leur accorder un minimum de dignité en les traitant humainement et non comme des objets sur une chaîne de montage. Le système de santé dans les CHSLD doit être repenser au plus vite. Ces sont des milieux de vie et pourtant on y retrouve peu de chaleur humaine. Je suis convaincue que les intervenants font de leur mieux avec les moyens qu’ils ont à leur disposition. C’est vraiment le système qui doit être revu et corrigé. Il faut également augmenter les préposés aux bénéficiaires et concevoir des milieux pour les moins de 65 ans ou qui conservent toutes leurs facultés intellectuelles.
Les responsabilités pèsent donc lourd sur les épaules des aidants. La tâche épuise. Je connais trop bien les embûches que vivent certaines familles disposant de peu de ressources humaines ou financières. On estime que la SLA engendre des coûts d’environ 150,000$ à chaque famille aux prises avec cette maladie. L’achat d’équipements, les honoraires des spécialistes au privé (ex. : physiothérapie, massothérapie, etc.), les travaux résidentiels, les déplacements chez les professionnels et les médicaments figurent parmi les dépenses à assumer. On peut donc se demander que faire lorsque notre conjoint tombe malade et que la paie n’est plus au rendez-vous!
Les aidants sont déchirés. Ils ne reçoivent aucune rémunération ni aide financière des gouvernements. Le peu de programmes actuellement offerts s’étendent sur une durée limitée et se restreignent à des critères trop précis, comme celui d’en être rendu « à six mois de la mort » pour pouvoir en bénéficier. Or, la personne atteinte par la SLA peut vivre jusqu’à cinq ans et même plus : c’est une longue échéance, lorsque l’argent manque et qu’il faut assumer toutes les responsabilités liées à la maladie du proche.
J’estime que les gouvernements pourraient aisément faire davantage pour soutenir les aidants naturels. Selon les dernières statistiques, ils représentent un Québécois sur quatre. Des crédits d’impôt existent (il faut que la personne malade ait 70 ans et plus), mais c’est bien peu, considérant les dépenses que les aidants évitent au système de soins de santé en prodiguant une multitude de services à leurs proches en dehors d’un contexte hospitalier. L’État n’offre qu’un mince filet social à la population la plus vulnérable. On doit davantage compter sur l’entraide et la générosité des gens que sur nos gouvernements. Pourtant, les dommages collatéraux qu’entraîne la maladie auprès des aidants sont immenses et génèrent assurément des coûts indirects à la communauté, notamment en lien avec les services de soutien à la famille ou encore en ce qui a trait au placement en CHSLD. Les aidants savent démontrer une immense résilience, mais ils ont besoin d’aide. Ils relèvent des défis au quotidien et sont exténués. Quand la maladie s’étale sur plusieurs années, il devient gênant pour eux de constamment demander à leur entourage de puiser dans sa propre banque d’énergie.
La CAQ a promis d’investir 200 M$ par année dans les soins à domicile lors de la dernière campagne électorale. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) évalue à 75 973$ le coût annuel d’hébergement d’une personne en CHSLD public, tandis que le Vérificateur général du Québec estime que les coûts peuvent varier de 61 551 $ à 90 820 $ ; ces montants surpassent largement l’aide financière existante pour le maintien à domicile des personnes gravement malades. Leurs besoins sont pourtant les mêmes. En 2019, cette situation dépasse l’entendement. Plusieurs familles vivent de grandes difficultés financières en raison de la maladie, et doivent se résigner à placer leur être cher en CHSLD, alors que leur choix premier aurait été de le maintenir à domicile. Pourquoi ne faciliterait-on pas un scénario où les proches qui acceptent le rôle d’aidants naturels sont encouragés à persévérer dans cette direction? Dans la mesure où l’aide financière reste en deçà des coûts générés par l’hébergement en CHSLD, il s’agirait d’une mesure à coût nul. Elle permettrait même de réduire « l’achalandage» dans plusieurs établissements de santé.
J’espère donc que la Ministre Blais tiendra ses promesses. J’ai foi en elle. Elle a l’air investie et engagée dans ses dossiers. Je crois sincèrement que l’avenir est dans le maintien à domicile. Parce qu’être chez soi, dans ses affaires, y’a rien de plus réconfortant!
Chantal Lanthier
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Bravo Chantal! Il faut soutenir les aidants naturels, financièrement et autrement aussi, c’est-à-dire en développant diverses ressources pour leur donner du répit afin qu’il puisse maintenir la force mentale et physique nécessaire pour continuer à supporter leur proche dans le besoin.
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