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En lisant ce texte, j’ai tout de suite pensé à notre communauté SLA qui se soutient. Elle est tissée serrée. Tout comme les arbres, nous sommes là les uns pour les autres. Notre lumière rayonne et nos racines se déploient avec acharnement pour atteindre toute la communauté. J’ai tellement hâte de nous retrouver en vrai.

Ce magnifique texte a été écrit par la sœur de ma grande amie Julie. Elle m’a donné l’autorisation de le traduire et de vous le partager sur mon blog. Merci Sarah.

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Avant que vous ne vous en rendiez compte, les perce-neige seront en place. Les minuscules petites pousses vertes pousseront à travers la neige granuleuse et les fleurs blanches tombantes apparaîtront pour nous rappeler de continuer à nous accrocher. Lorsque le catalogue de semences est arrivé à la fin du mois de décembre, le printemps semblait si loin.

Chaque année, je compte, à partir du dernier gel de juin, pour établir un calendrier du moment où je peux commencer à planter des choses et ce n’est jamais aussi tôt que je le voudrais. Remplir les pots avec de la terre humide et planter une graine ou deux sous la surface alors qu’il y a encore de la neige sur le sol semble être un tel acte de foi. Je ne suis jamais convaincue qu’elles vont pousser et parfois elles ne le font pas. Mais quand elles le font, les pousses vertes me remplissent d’espoir. Leur pulsion tenace vers la lumière me rappelle qu’il est tout à fait normal que je me sente lente et somnolente en hiver. Je ne fais peut-être pas de photosynthèse mais il ne fait aucun doute que le manque d’ensoleillement a un impact sur mon bien-être.

La Dre Suzanne Simard, écologiste forestière, raconte un moment où lorsqu’elle était enfant, son chien est tombé dans une fosse extérieure. Alors qu’elle et son père creusaient pour libérer l’animal, elle a remarqué que le sol était entrelacé d’un maillage de fins fils qui semblaient soutenir le sol. Plus tard, elle a appris que ce qu’elle voyait était du mycélium, un champignon qui colonise les racines des arbres. Les arbres, avec leur canopée effleurant le ciel, utilisent la photosynthèse pour transformer la lumière du soleil en sucre, la faisant descendre des feuilles jusqu’au bout de leurs racines où le mycélium l’extrait. Le mycélium, à son tour, extrait toutes sortes de nutriments du sol pour les rendre disponibles à son hôte.

Ce vaste réseau de mycélium, appelé réseau mycorhizien, permet aux arbres voisins de communiquer entre eux, en envoyant des signaux de détresse pour avertir lorsqu’ils sont attaqués par des insectes. Ils partagent également les ressources avec le sous-sol, lequel a accès à moins de lumière. Les arbres mères reconnaissent leurs semblables et partagent les nutriments avec leur progéniture. Les bouleaux nourrissent les sapins en été et les sapins leur rendent la pareille lorsque les bouleaux sont sans feuilles au printemps et à l’automne. Que ce soit les arbres ou les champignons qui décident, cela reste à déterminer. Quoi qu’il en soit, c’est un rappel impressionnant que la conception de Mère Nature favorise la santé collective.

Les arbres ont tant à nous apprendre. En cette période de rétablissement, peut-être devons-nous tous penser aux personnes de notre vie qui ont été coincées dans l’ombre un peu trop longtemps. Peut-être que si, ceux d’entre nous, qui ont accès à des ressources et à des expériences enrichissantes partageaient un peu de leur abondance, nous serions tous récompensés par une communauté d’individus en meilleure santé. Comme Tom Chi l’a dit (partagé par un ami suite à une conférence Ted) : « Les plantes sont l’autre moitié de nos poumons » sur terre ». Allez chercher des arbres! Tenez-vous parmi eux! Respirez profondément l’air frais qu’ils ont créé et pensez à la lumière que vous pouvez apporter à ceux qui vous entourent.

Sarah Cobb

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Petit incident

La plus grande hantise pour les personnes atteintes de la SLA est la chute. J’ai connu plusieurs personnes qui sont tombées et pour lesquelles l’aidant n’a aucunement été capable de la relever. L’aidant doit alors appeler les renforts. Il n’est pas évident de transporter une personne « molle comme la guenille » jusqu’à son fauteuil roulant. Il est important que les personnes qui nous viennent en aide ne se blessent pas elles-mêmes. Les transferts sont l’une des causes principales de blessure chez les aidants qui ne connaissent pas bien les principes de biomécanique. L’aidant doit savoir utiliser son corps et sa propre force physique de manière appropriée pour parvenir à déplacer la personne atteinte. L’utilisation de mauvaises techniques accroît aussi les risques de blessure pour la personne qui est déplacée. Heureusement, je ne suis jamais tombée. Je prêche par excès de prudence lors de mes transferts.

Il m’est toutefois arrivé un petit incident le mois dernier. Vous savez que mon Ipad constitut mon unique moyen de communication. Malheureusement, la technologie ne permet pas encore d’intégrer un téléphone au Ipad. Je dois utiliser Messenger, FaceTime ou Skype si je veux rejoindre quelqu’un pour demander de l’aide. Lorsque Jocelyn s’absente, il le fait, généralement, pour de brèves périodes. Il arrive toutefois que j’ai à me débrouiller pour quelques heures. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé le mois dernier. Jocelyn venait à peine de quitter que j’ai eu un spasme de mes bras qui ont fait chavirer mon Ipad sur mes jambes. Après un instant de surprise, j’ai tenté de le récupérer. Je le voyais, si près de moi, mais impossible de l’atteindre. J’ai tout essayé : me basculer vers l’arrière, l’attraper par le fil d’alimentation, activer la bascule de mes jambes, rien ne fonctionnait. Un fort sentiment d’impuissance et d’incompréhension m’habitait. Je me sentais vulnérable. Je savais que Jocelyn en avait pour trois heures avant son retour. Malheureusement, la télévision était fermée. Je n’avais que ma colère, ma tristesse et ma frustration pour passer le temps.

Perdue dans mes pensées, j’essayais de ne pas céder à la panique. Le téléphone était inaccessible et de toute façon, je n’aurais pas pu prendre le combiné. Alors j’ai attendu……et attendu….et réfléchi. Vous savez, se faire « garder » quand on a 56 ans n’est pas une chose facile à accepter. L’égo en prend un coup! Je veux préserver mon autonomie le plus longtemps possible. Être seule dans sa maison, ça fait du bien aussi. Je dois toutefois admettre et me résigner que mes capacités physiques nécessitent assistance. Je comprends tellement les personnes âgées en perte d’autonomie. Elles aussi doivent se résigner.

Lorsque Jocelyn est finalement arrivé, je me suis mise à pleurer. Nous avons discuté de cette situation. Nous avons convenu de mettre le téléphone à portée de mains lorsqu’il s’absente. Mon patenteux m’a organisé, avec un ami prothésiste dentaire, un socle moulé pour accueillir le combiné et l’installer de façon à ce qu’il ne bouge pas en appuyant sur les touches. Il est important que je puisse demander de l’aide en cas urgence. Jocelyn a programmé les touches pour les appels urgents. Nous avons également discuté de la possibilité que Jocelyn ait un malaise lorsqu’il me douche. Que ferais-je assisse sur le siège de douche alors que Jocelyn est évanoui à mes pieds? Après maintes discussions, nous songeons à obtenir le service d’aide Télus. La Société SLA du Québec en partenariat avec Télus offre un rabais de 10$ par mois sur l’abonnement à l’un des dispositifs d’urgence.

Il n’y a rien de facile avec la SLA mais Jocelyn et moi réussissons à demeurer unis car nous communiquons bien malgré les épreuves que la maladie nous impose.

Chantal Lanthier

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Dommages collatéraux de la SLA

Lorsque vous avez la SLA, vos motoneurones meurent progressivement. Peu à peu, votre cerveau perd sa capacité d’envoyer des messages à vos muscles volontaires pour leur dire de bouger. Avec le temps, la SLA gagne tout le corps, et tous les muscles volontaires s’atrophient, jusqu’aux muscles participant à la respiration, ce qui mène à des problèmes respiratoires. L’exercice ne peut malheureusement pas fortifier les muscles atteints par la SLA. Rien ne peut renverser l’atrophie d’un muscle.

Les dommages causés par la maladie sont nombreux. Parmi eux, on compte :

La faiblesse musculaire : La fonte musculaire, ou atrophie musculaire est l’un des symptômes principaux de la SLA. Comme les motoneurones ne peuvent plus commander aux muscles de se contracter, ceux-ci perdent de leur tonus, s’atrophient et se raidissent.

Les fasciculations : Les fasciculations sont un tressautement involontaire des muscles qu’on peut parfois voir sous la peau. Une neurologue m’a dit que lorsque le muscle affiche des fasciculations c’est qu’il meurt.

Les crampes : Symptôme courant et parfois douloureux, pouvant conduire à un déséquilibre postural, voire à des chutes. On peut soulager les crampes en gardant les muscles atteints au chaud et en les étirant.

La mobilité : La mobilité se trouve réduite lorsque les muscles s’affaiblissent et que les raideurs s’installent.

La difficulté à manger et à avaler : L’affaiblissement des muscles de la gorge et de la bouche peut causer des difficultés à mastiquer et à avaler les aliments. L’atrophie des muscles peut également induire des quintes de toux pendant ou après l’ingestion de solides ou de liquides. Il faut donc que je mange plus lentement, prendre de petites bouchées, garder le dos droit, ne pas rire et rester concentrée sur ma mastication.

L’accumulation excessive de salive ou la sécheresse dans la bouche peut causer des difficultés à avaler. Moi, je souffre de sécheresse. Heureusement, les produits Biotène, en vente à la pharmacie m’aident.

L’affaiblissement des muscles abdominaux, de la gorge et du diaphragme peut affaiblir la toux ou la rendre inefficace. Il peut s’ensuivre une accumulation de mucus dans les voies respiratoires, qui ne sont plus nettoyées par le réflexe de toux. Je ne peux plus tousser, expectorer, gourmer et me moucher. Mes sécrétions s’accumulent à la vitesse d’un éclair.

La difficulté à avaler accroît les risques d’étouffement. On pense souvent à tort que les personnes atteintes de la SLA meurent en s’étouffant. En fait, le risque d’étouffement est un symptôme gérable.

La difficulté d’élocution : Chez un petit pourcentage de personnes atteintes de la SLA, les muscles de la parole et de la déglutition sont les premiers atteints par la maladie. Il s’agit de la forme bulbaire de la SLA. Chez nombre d’autres personnes, ce n’est toutefois que dans les stades avancés de la maladie (comme moi!) que l’élocution est touchée.

Les problèmes de sommeil : Les personnes atteintes de la SLA ont souvent du mal à s’endormir ou à dormir. La piètre qualité de leur sommeil peut tenir à leur incapacité à bouger librement dans leur lit, ce qui les oblige à rester dans une position inconfortable pendant de longues heures. Heureusement, il existe des lits et matelas adaptés permettant aux personnes peu mobiles de mieux dormir.

Les émotions incontrôlables (labilité émotionnelle) : Certaines personnes atteintes de la SLA ont des pleurs ou des rires incontrôlables qui ne reflètent pas du tout leurs émotions. C’est ce qu’on appelle la labilité émotionnelle (ou « syndrome pseudobulbaire »). Je prends un médicament pour contrer cela. Ça s’appelle le Quinidex.

La spasticité : À l’occasion, les muscles peuvent également se tendre de manière persistante : c’est ce qu’on appelle la spasticité. Ce symptôme peut provoquer une extension ou un fléchissement involontaire du membre atteint et causer des raideurs et des douleurs musculaires. Moi, je souffre beaucoup de spasticité. Le Baclofène, relaxant musculaire, m’aide. Toutefois, j’hésite à en prendre trop car la raideur de mes jambes me permettent encore de faire mes transferts debout. Si j’en prends trop, je deviens «pâte molle» comme dans la publicité des fromages….lol.

Il existe aussi les dommages collatéraux :

La douleur articulaire : Lorsque les muscles des membres perdent de leur tonus, les articulations auxquelles ils sont raccordés ne sont plus sollicitées au maximum de leur capacité, et les raideurs articulaires apparaissent alors. Le fait de ne plus pouvoir me mouvoir et d’être contrainte de demeurer longtemps dans une même position peut favoriser l’apparition de douleurs et de raideurs dans les articulations. Je reçois régulièrement des injections de cortisone dans la mâchoire. Plusieurs des personnes atteintes de la SLA ont des problèmes avec leurs genoux, leurs épaules, leurs doigts ou leurs chevilles.

Les plaies : L’immobilité peut être très douloureuse pour la peau. Toute personne qui reste allongée ou assise dans la même position pendant plus de deux heures risque de développer des lésions cutanées. Ces lésions peuvent se transformer en plaies de lit, aussi appelées escarres ou ulcères de décubitus. Ces problèmes de peau, parfois douloureux, réduisent la qualité de vie des personnes malades.

La fatigue : C’est un symptôme courant chez les personnes atteintes de la SLA, attribuable à un affaiblissement progressif des muscles. À cause de l’atrophie des muscles, des crampes et de la fatigue, vaquer aux activités habituelles peut devenir plus difficile. En raison du surcroît d’effort qu’elles doivent déployer, les personnes atteintes de la SLA ressentent de la fatigue et même de l’épuisement.
L’une des stratégies pour combattre la fatigue est de préserver nos forces pour les activités auxquelles nous tenons réellement.

Les chutes : Les personnes atteintes de la SLA doivent composer avec les risques de chute. Les chutes peuvent être causées par la flaccidité du pied (pied tombant), résultant de l’affaiblissement des muscles de la jambe, par la faiblesse des muscles des bras ou du cou qui compromettent l’équilibre ou par la raideur des membres qui deviennent plus difficiles à contrôler. Il est certain que nous voulons préserver notre autonomie le plus longtemps possible, mais il faut toutefois assurer notre sécurité avec l’équipement adéquat.

Blessures et épuisement de l’aidant : L’épuisement des aidants naturels est défini par un état d’exténuation physique, émotionnelle et mentale pouvant être accompagné par un changement d’attitude : de positive à attentionnée, elle devient négative et détachée. L’aidant doit être attentif à ses émotions et s’accorder un répit bien mérité.

L’aspect psychologique : Suite au diagnostic de la SLA, l’incrédulité, la panique, la colère, les sautes d’humeur et la déprime m’ont habitée. Ma nature profonde et mon expérience exigeaient toutefois que je fasse quelque chose pour moi-même. Tous les jours, partout dans le monde, des milliers de personnes reçoivent de mauvaises nouvelles. Elles réagissent comme elles le peuvent. Je peux difficilement blâmer ceux qui s’effondrent. Chacun réagit à sa façon devant l’épreuve.

Vous savez, vous qui me suivez, que jongler avec la SLA n’est pas aisé. Il faut continuellement s’adapter comme dans toute maladie dégénérative. Déjà 9 ans que Jocelyn et moi composons avec la bête. Je ne me plains pas car je suis consciente que plusieurs personnes atteintes n’ont pas ce privilège de rester en vie aussi longtemps.

Chantal Lanthier

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J’ai mal pour toi, Ukraine

Je vous partage mon premier poème à vie alors soyez indulgents. La situation de l’Ukraine m’interpelle vraiment et je trouve ça infiniment triste.

Tu menais tranquillement ta vie
Tu travaillais, tu jouais au parc avec tes enfants
Tu faisais ce dont tu avais envie
Tu partageais le rythme du temps qui s’écoule paisiblement

Puis un despote est arrivé
Un dictateur qui voulait ton pays
Peu lui importe si ton peuple est décimé
Il ne voulait qu’une chose; que tu sois anéantie

Ta famille est maintenant éclatée
Tu ne sais plus où sont tes parents
Ton amour a pris les armes et tu ne sais pas s’il a été tué
Tu es seule et les enfants te serrent la main en pleurant

Tu as fui n’emportant qu’une seule valise
Tes souvenirs, tes avoirs, ta maison, tu as dû tout laisser
Et ne sachant pas où tes pas te mènent; tu t’enlises
Par delà les routes, les trains, les autobus bondés

Tu cherches une terre d’accueil
Parmi les pays à proximité
Tu pourras franchir ce seuil
Et enfin te reposer

Ton pays est maintenant souffrance
Deuils, dévastation et tristesse
Alors que l’armée russe avance
Tu pries pour que tout cela cesse

Les combattants ukrainiens n’ont pas capitulé
Ils se battent avec férocité
Pendant que toute la terre se demande ce qui va arriver
Devant leur écran de télé

Tu n’aurais jamais cru
Avec l’histoire et les guerres antérieures vécues
Qu’on userait encore d’une violence accrue
Le bon sens et la logique de Poutine sont-ils perdus?

Envers ton peuple, tu dois éprouver beaucoup de fierté
Il est digne, valeureux et combattif
On ne connaît pas encore l’issue de cette hostilité
Envers les Ukrainiens, notre cœur sera toujours émotif et admiratif.

Avez-vous vu cette troublante vidéo ? Elle s’appelle « Close the sky ». Je vous avise que ces images peuvent être choquantes.

Je vous invite également à regarder l’excellent film documentaire disponible en français sur Netflix appelé « Winter on fire » portant sur les évènements qui ont contribué, en 2014, à la destitution du président de l’Ukraine. Il a été sélectionné aux Oscars en 2016.

Chantal Lanthier

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L’histoire d’Angéline et de son papa François :

Voici la dernière histoire portant sur l’aide médicale à mourir. Tout comme les autres, elle aussi est bouleversante, remplie de compassion, de sérénité mais surtout d’amour.

L’histoire d’Angéline et de son papa François :

Angéline n’a que 25 ans lorsque son père est diagnostiqué de la SLA. Habitant encore chez ses parents, elle constate que quelque chose cloche chez son papa. Dès octobre 2013, il lui arrivait souvent de s’étouffer mais rien de dramatique. «Je l’entendais également souvent tousser dans la douche» m’a confié Angéline. En janvier 2014, nous sommes allés à la pêche sur la glace et il avait de la difficulté avec une main, rien d’alarmant. Sûrement les tunnels carpiens, nous nous sommes dit. Il échappait des choses de plus en plus. Sa main gauche était faible et maladroite. Angéline se rappelle que début juin 2014, il demanda au fils de mon amie de lui attacher le bouton de sa manche en lui disant : « Mon oncle François est pu capable d’attacher la manche de sa chemise, veux-tu m’aider?».

Après plusieurs tests, IRM, prise de sang, le verdict est tombé le 27 juin 2014 à l’âge de 52 ans. Moment gravé dans sa mémoire lorsque son papa dira: «C’est pire que le cancer, il n’y a rien à faire! Je vais mourir, je sais juste pas quand! Ça peut être vite comme ça peut être long ».

François Contant est le 8ième d’une famille de 9 enfants. Il vient d’une famille très unie où les liens sont tissés serrés. C’est un père merveilleux qui est très présent pour ses 2 enfants. Marié, il est follement amoureux de sa belle rousse. Il consacre sa vie pour sa famille. Il est aviseur technique dans différents garages de la région. Il est apprécié de ses clients. Il adore la pêche, la nature, le camping. Il s’adonne à ses passe-temps avec son frère, certains membres de sa famille et amis.

Dès le diagnostic, ils ont fait de nombreux voyages en famille afin de profiter de la vie. L’état de François se détériore toutefois rapidement. Perte de son bras gauche, de sa jambe gauche, de sa parole pour complètement s’arrêter en janvier 2016. Une chute et il s’est retrouvé en chaise roulante. Il n’a jamais remarché après ce moment. Deuil par-dessus deuil, la famille tente ce qu’elle peut pour s’adapter et pour répondre à ses besoins.

Angéline a toujours été très proche de son père. Elle dira : «C’était mon héros, je suis une vraie petite fille à papa. J’ai eu beaucoup de difficulté lorsque nous avons appris sa maladie. J’ai également compris qu’on ne peut jamais accepter une telle situation, on apprend à vivre avec. Ce genre d’évènement nous permet d’avancer en profitant de la vie. On pense toujours que ça ne va arriver qu’aux autres mais hélas, non».

François était donc devenu prisonnier de son corps. Seuls, ses yeux bougeaient. Incapable d’écrire au IPAD et de communiquer. Il savait bien ce qui l’attendait; un placement en CHSLD. Francine n’arrivait plus à le soulever. C’était devenu trop difficile pour elle. Il n’arrivait pas à envisager la possibilité de recevoir les soins avec quelqu’un d’autre que sa femme. «Je me souviens que 2 jours avant qu’il fasse la demande d’aide médicale à mourir, il avait paniqué à l’idée que sa sœur et son frère le «gardent» pendant qu’on allait magasiner ma mère et moi. «C’était vraiment invivable» dira Angéline.

À l’époque où François a reçu son diagnostic, la Loi sur l’aide médicale à mourir n’était pas encore approuvée au Québec. Une amie de la famille avait fait euthanasier son chat et Francois avait dit : «Ça devrait être la même chose pour les humains aussi». Quand finalement la Loi fut adoptée, François a fait savoir à son meilleur ami et à sa femme qu’il comptait y recourir. Puis, la maman d’Angéline et de Benjamin les a informés que leur père avait pris une grande décision. «J’ai pleuré et je l’ai serré dans mes bras. Je lui ai dit que je comprenais à 100% son choix, bien que je ne voulais pas qu’il parte».

La journée du 23 septembre 2016 s’est déroulée comme si nous étions dans un brouillard. Une dame du CLSC, que François appréciait beaucoup, est venue le laver. C’était important pour lui, il voulait être beau, avec sa chemise qu’il avait lui-même choisie. Les gens sont arrivés peu à peu. Tout le monde est allé le voir, le saluer, l’embrasser. Ses frères, sœurs et leurs conjoints étaient présents ainsi que ses 2 meilleurs amis. Une vingtaine de personnes au total. Il était tellement serein, heureux de voir les gens qu’il aimait. Il était assis avec son chien et même le chien avait l’air serein. Il n’était pas effrayé.

Lorsque le médecin est arrivé à la maison, tout le monde s’est réuni dans le salon. «Ma mère, moi, mon frère ainsi que nos conjoints respectifs, sommes restés avec papa. C’est le médecin de famille de toute la famille qui est venu. Cela a vraiment allégé l’atmosphère. Un homme merveilleux qu’on connait depuis longtemps. C’était la première fois qu’il faisait cette pratique. Croisé un mois après le décès, il m’a confié qu’il a dû prendre la semaine pour s’en remettre. Il a été très respectueux de notre rythme et de celui de mon père. Il nous a expliqué comment ça allait se passer. Lors des injections; mon frère, ma mère et moi nous étions collés sur lui. Ceux qui étaient restés au salon ont mis la chanson «À la plus haute branche» de Céline Dion. Il est parti très serein. Un beau moment gravé à jamais» nous confiera-t-elle.

François est décédé le 23 septembre 2016 soit 2 ans et demi après son diagnostic. Il avait alors 54 ans, presque 55 ans.

Évidemment, Angéline était vidée émotivement, physiquement, mais elle était aussi soulagée. «Il y avait beaucoup de gens à la maison, pour ma part je n’avais pas envie de parler à personne, j’avais besoin d’être seule. Mon deuil était entamé depuis longtemps c’est-à-dire depuis l’annonce fatale. La mort en soi fut moins difficile pour moi, car je l’ai tellement vu souffrir physiquement et psychologiquement» dira t-elle.

Angéline considère que : «L’aide médicale à mourir est la plus belle mort qu’on puisse espérer. Choisir le moment de ta mort, pouvoir dire que tu en as assez, avoir les gens que tu souhaites autour de toi. Bien que ce soit la pire expérience de ma vie, j’en garde un merveilleux souvenir de calme, de paix, de douceur. Je me souviens encore des moindres détails et ce même après 5 ans».

Aujourd’hui, Angéline a deux fils que leur grand-père n’a pas eu la chance de côtoyer. Son seul regret est que son magnifique papa n’aura jamais l’opportunité de partager avec eux la pêche et tout son amour. Il aurait adoré être grand-père.

Ne t’en fais pas belle Angéline, ton papa veille sur eux, sur toi, Benjamin et Francine.

Chantal Lanthier

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