
Voici la dernière histoire portant sur l’aide médicale à mourir. Tout comme les autres, elle aussi est bouleversante, remplie de compassion, de sérénité mais surtout d’amour.
L’histoire d’Angéline et de son papa François :
Angéline n’a que 25 ans lorsque son père est diagnostiqué de la SLA. Habitant encore chez ses parents, elle constate que quelque chose cloche chez son papa. Dès octobre 2013, il lui arrivait souvent de s’étouffer mais rien de dramatique. «Je l’entendais également souvent tousser dans la douche» m’a confié Angéline. En janvier 2014, nous sommes allés à la pêche sur la glace et il avait de la difficulté avec une main, rien d’alarmant. Sûrement les tunnels carpiens, nous nous sommes dit. Il échappait des choses de plus en plus. Sa main gauche était faible et maladroite. Angéline se rappelle que début juin 2014, il demanda au fils de mon amie de lui attacher le bouton de sa manche en lui disant : « Mon oncle François est pu capable d’attacher la manche de sa chemise, veux-tu m’aider?».
Après plusieurs tests, IRM, prise de sang, le verdict est tombé le 27 juin 2014 à l’âge de 52 ans. Moment gravé dans sa mémoire lorsque son papa dira: «C’est pire que le cancer, il n’y a rien à faire! Je vais mourir, je sais juste pas quand! Ça peut être vite comme ça peut être long ».
François Contant est le 8ième d’une famille de 9 enfants. Il vient d’une famille très unie où les liens sont tissés serrés. C’est un père merveilleux qui est très présent pour ses 2 enfants. Marié, il est follement amoureux de sa belle rousse. Il consacre sa vie pour sa famille. Il est aviseur technique dans différents garages de la région. Il est apprécié de ses clients. Il adore la pêche, la nature, le camping. Il s’adonne à ses passe-temps avec son frère, certains membres de sa famille et amis.


Dès le diagnostic, ils ont fait de nombreux voyages en famille afin de profiter de la vie. L’état de François se détériore toutefois rapidement. Perte de son bras gauche, de sa jambe gauche, de sa parole pour complètement s’arrêter en janvier 2016. Une chute et il s’est retrouvé en chaise roulante. Il n’a jamais remarché après ce moment. Deuil par-dessus deuil, la famille tente ce qu’elle peut pour s’adapter et pour répondre à ses besoins.
Angéline a toujours été très proche de son père. Elle dira : «C’était mon héros, je suis une vraie petite fille à papa. J’ai eu beaucoup de difficulté lorsque nous avons appris sa maladie. J’ai également compris qu’on ne peut jamais accepter une telle situation, on apprend à vivre avec. Ce genre d’évènement nous permet d’avancer en profitant de la vie. On pense toujours que ça ne va arriver qu’aux autres mais hélas, non».
François était donc devenu prisonnier de son corps. Seuls, ses yeux bougeaient. Incapable d’écrire au IPAD et de communiquer. Il savait bien ce qui l’attendait; un placement en CHSLD. Francine n’arrivait plus à le soulever. C’était devenu trop difficile pour elle. Il n’arrivait pas à envisager la possibilité de recevoir les soins avec quelqu’un d’autre que sa femme. «Je me souviens que 2 jours avant qu’il fasse la demande d’aide médicale à mourir, il avait paniqué à l’idée que sa sœur et son frère le «gardent» pendant qu’on allait magasiner ma mère et moi. «C’était vraiment invivable» dira Angéline.
À l’époque où François a reçu son diagnostic, la Loi sur l’aide médicale à mourir n’était pas encore approuvée au Québec. Une amie de la famille avait fait euthanasier son chat et Francois avait dit : «Ça devrait être la même chose pour les humains aussi». Quand finalement la Loi fut adoptée, François a fait savoir à son meilleur ami et à sa femme qu’il comptait y recourir. Puis, la maman d’Angéline et de Benjamin les a informés que leur père avait pris une grande décision. «J’ai pleuré et je l’ai serré dans mes bras. Je lui ai dit que je comprenais à 100% son choix, bien que je ne voulais pas qu’il parte».

La journée du 23 septembre 2016 s’est déroulée comme si nous étions dans un brouillard. Une dame du CLSC, que François appréciait beaucoup, est venue le laver. C’était important pour lui, il voulait être beau, avec sa chemise qu’il avait lui-même choisie. Les gens sont arrivés peu à peu. Tout le monde est allé le voir, le saluer, l’embrasser. Ses frères, sœurs et leurs conjoints étaient présents ainsi que ses 2 meilleurs amis. Une vingtaine de personnes au total. Il était tellement serein, heureux de voir les gens qu’il aimait. Il était assis avec son chien et même le chien avait l’air serein. Il n’était pas effrayé.
Lorsque le médecin est arrivé à la maison, tout le monde s’est réuni dans le salon. «Ma mère, moi, mon frère ainsi que nos conjoints respectifs, sommes restés avec papa. C’est le médecin de famille de toute la famille qui est venu. Cela a vraiment allégé l’atmosphère. Un homme merveilleux qu’on connait depuis longtemps. C’était la première fois qu’il faisait cette pratique. Croisé un mois après le décès, il m’a confié qu’il a dû prendre la semaine pour s’en remettre. Il a été très respectueux de notre rythme et de celui de mon père. Il nous a expliqué comment ça allait se passer. Lors des injections; mon frère, ma mère et moi nous étions collés sur lui. Ceux qui étaient restés au salon ont mis la chanson «À la plus haute branche» de Céline Dion. Il est parti très serein. Un beau moment gravé à jamais» nous confiera-t-elle.
François est décédé le 23 septembre 2016 soit 2 ans et demi après son diagnostic. Il avait alors 54 ans, presque 55 ans.
Évidemment, Angéline était vidée émotivement, physiquement, mais elle était aussi soulagée. «Il y avait beaucoup de gens à la maison, pour ma part je n’avais pas envie de parler à personne, j’avais besoin d’être seule. Mon deuil était entamé depuis longtemps c’est-à-dire depuis l’annonce fatale. La mort en soi fut moins difficile pour moi, car je l’ai tellement vu souffrir physiquement et psychologiquement» dira t-elle.
Angéline considère que : «L’aide médicale à mourir est la plus belle mort qu’on puisse espérer. Choisir le moment de ta mort, pouvoir dire que tu en as assez, avoir les gens que tu souhaites autour de toi. Bien que ce soit la pire expérience de ma vie, j’en garde un merveilleux souvenir de calme, de paix, de douceur. Je me souviens encore des moindres détails et ce même après 5 ans».
Aujourd’hui, Angéline a deux fils que leur grand-père n’a pas eu la chance de côtoyer. Son seul regret est que son magnifique papa n’aura jamais l’opportunité de partager avec eux la pêche et tout son amour. Il aurait adoré être grand-père.
Ne t’en fais pas belle Angéline, ton papa veille sur eux, sur toi, Benjamin et Francine.






Chantal Lanthier
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J’ai perdu mon papa de la SLA en 90. Il avait 42 ans et moi, 16. S’il avait pu choisir le moment de son départ, il l’aurait fait sans hésiter. Attendre le moment du départ tout en étant prisonnier de son corp et selon moi la pire chose que l’homme peut vivre. Je connais bien cette magnifique famille. Francine est une grande soeur pour moi. La SLA nous a en partie réunies, et ça, c’est beau! Merci pour ce beau texte. Je suis certaine que mon papa m’a soufflé à l’oreille ce matin et il est content de voir qu’aujourd’hui, nous avons ce privilège.
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Nous avons bien connu François et sa famille, il venait au groupe de St-Hubert. Il a vécu au limite de ses capacités. Il était très bien entouré par sa famille. Ils ont eu l’occasion de se donner de l’amour. Cela m’a touché de le revoir. Merci.
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Merci Line. On ne les oublie pas. Xxx
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Merci Chantal!
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