Un jour à la fois

Lorsque j’ai appris à faire de la moto, je me suis évidemment inscrite à une école d’apprentissage. Les instructeurs m’ont appris le freinage d’urgence, le contre-braquage, comment éviter les obstacles et comment prendre les courbes. Fière de l’acquisition des mes nouvelles compétences, je me suis acheté ma première moto avant même d’avoir mon permis en poche. Puis, j’ai appris. D’abord, avec Jocelyn à mes côtés qui me prodiguait plein de conseils et ensuite, seule. J’avais peur mais en même temps j’avais confiance en mes capacités. À chaque courbe que je prenais, je me répétais les consignes. Ne pas anticiper mais ressentir la moto et garder le focus. Un jour pendant lequel j’étais distraite, je suis tombée. Plus de peur que de mal car j’étais à basse vitesse. Comme l’enfant qui tombe à vélo, je me suis relevée et j’ai enfourché ma moto. Maintenant, je savais ce que ça représentait de chuter. L’apprentissage, c’est ça!

Après avoir reçu le diagnostic de SLA, il y a près de 9 ans, je me suis sentie paniquée et la peur m’a envahie quand je pensais à l’avenir qui m’attendait. Je devais taire toutes ces idées noires qui m’habitaient. Et si, je m’étouffe…Et si, je ne peux plus respirer…Et si, je tombe….  Autant d’inquiétudes allaient avoir raison de moi. Bref, Jocelyn et moi, nous nous sommes préparés au pire en faisant de notre mieux pour affronter les problèmes un jour à la fois.

Au début de la maladie, le moindre obstacle me stressait. Je suppliais Dieu et tous les saints de me sortir de ce cauchemar, je cherchais frénétiquement sur internet une cure miracle, un truc quelconque qui pourrait prolonger ma vie. Valait mieux essayer quelque chose que de me laisser aller. Malgré tous mes efforts, la  progression de la maladie a continué. Lentement mais sûrement…

Après 8 ans et 8 mois, je suis maintenant résignée. Je déteste toujours ce sentiment de ne pas contrôler ce qui m’arrive mais j’ai appris à lâcher prise.  Ai-je le choix? Oui, car je pourrais adopter une attitude négative, vivre la situation avec frustration, créer un mur autour de moi et franchir chaque étape de la maladie avec colère.

Je connais la routine. J’ai appris. J’ai appris à ne pas paniquer quand je m’étouffe, j’ai appris que quand je tombe, Jocelyn est là pour moi, j’ai appris à faire confiance à l’autre et à la vie. Même quand survient un dégât de toilette, je sais que cela peut arriver et que je n’ai pas à avoir honte. Je sais aussi que la maladie continuera à faire son chemin et que, ce que je devrai endurer, n’ira certainement pas en s’améliorant. Avec l’expérience que nous avons acquise, Jocelyn et moi, nous sommes maintenant mieux outillés pour faire face aux différents obstacles qui se dresseront sur notre route. Nous faisons de notre mieux en appréciant les petits instants de bonheur qui parsèment nos vies.

Il y a plusieurs similitudes entre la moto et la maladie. Pendant que j’étais sur ma moto, je ne pensais qu’à l’instant présent. Pas de place pour les inquiétudes. Je savourais pleinement le vent, les odeurs, les paysages et la vibration du bolide sur mes cuisses. Avec la maladie, je vis un jour à la fois et je le vis pleinement.  Je ne perds jamais de temps à m’inquiéter du lendemain et à ce qu’il peut apporter. J’anticipe peu et je sens que je peux faire face à toutes les éventualités. J’accepte l’imperfection, les peurs, l’incertitude, l’inconstance des choses. J’apprends également à ne pas juger, à ne pas faire de supposition, à ne pas prendre la fuite.

Mes instructeurs à l’école de moto m’ont appris comment voir loin devant et comment éviter les obstacles que l’on voit à la dernière minute. Je fais pareil avec la maladie. J’y fais face quand ils surviennent. Les anticiper, avoir peur et angoisser avec ce qui m’attend, ne me servirait à rien. Comme sur ma moto, je demeure vigilante mais je profite du trajet.

Nous connaissons tous notre destination finale, l’important n’est-il pas de savourer intensément la trajectoire et les gens qui partagent notre route?

(Paradis perdus – Éric-Emmanuel Schmitt) :

 » — Comment garder la force d’avancer ?

— Tous les vivants sont des survivants, Noam. Les vivants ont survécu à la naissance, aux maladies infantiles, aux famines, aux tempêtes, aux luttes, au froid, au chagrin, à la séparation, à la tristesse, à la fatigue. Les vivants sont possédés par la force d’avancer.

— Avancer pour quoi ?

— Pour vivre. La vie constitue son propre but, Noam. La Nature en atteste à chaque instant. » 

Chantal Lanthier

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8 réponses sur « Un jour à la fois »

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