Des deuils encore et encore

Le deuil se définit par une réaction et un sentiment de tristesse profonde éprouvée suite à la mort d’un proche ou à la « perte définitive » d’un objet auquel on tient.

Antérieurement, je rattachais le mot deuil à décès sans vraiment réaliser que l’on peut également vivre un deuil suite à la perte de quelque chose comme un emploi, une relation, un rêve ou comme moi, de mes capacités.

Le deuil ne compte pas les heures ni n’obéit aux règles. Chacun le vit à son rythme. Pour certains, il durera quelques mois alors que pour d’autres il perdurera toute une vie. Le deuil est un processus unique et personnel; chacun le vit à sa façon. Le chagrin et la déprime associés au deuil doivent être extériorisés à défaut de quoi ils peuvent nous consommer.

Pour ceux qui ont lu mon livre, vous savez que j’ai eu à surmonter de nombreuses épreuves dans ma vie. Le suicide de mon père et de ma sœur, ma mère à qui on a décelé un cancer du cerveau et qui est morte six semaines après son diagnostic, l’anévrisme aortique et le cancer de mon amoureux, la maladie mentale de mon frère le plus vieux pour n’en nommer que quelques-unes. Tellement de déchirures et de pertes. Toutes ces épreuves m’ont sûrement préparé à l’ultime assaut de la SLA. Sans le savoir, je forgeais mon tempérament et ma résistance à travers ces intempéries du destin. Je me programmais à faire face aux grands vents et je préparais mes munitions pour la bataille la plus ardue de ma vie.

De nos jours, il est à la mode de parler de résilience. Mais c’est quoi au juste? Ce n’est que depuis les années 40 que ce concept a été adapté et appliqué à la psychologie. Il représente la capacité qu’ont les êtres humains à faire face aux épisodes douloureux de l’existence et à en ressortir plus fort, à rester optimiste et confiant en la vie. Il n’existe pas de gène de la résilience, ce qui veut donc dire que n’importe qui a les aptitudes de développer cette capacité à faire face aux évènements.

Je fais de nombreux deuils depuis que j’ai la SLA et je suis consciente que j’en aurai beaucoup d’autres à faire. Depuis six ans, j’ai perdu ma carrière, mes jambes, ma voix, une partie de ma capacité respiratoire, ma dextérité et, le plus pénible, mon autonomie. Je prends une journée à la fois. Toutes ces pertes m’affligent certains jours et je cède alors au chagrin. C’est ma journée chialage comme je dis. Durant ces moments d’apitoiement sur moi-même, je me sens particulièrement vulnérable et je requiers le silence et la paix. Pas de téléphones, de sorties, de visites ni même de conversation sur Facebook. Le chagrin doit sortir. Demain, ça ira mieux. Il faut nourrir cette conviction que demain sera un jour meilleur et qu’il apportera son lot de nouvelles découvertes.

L’affaire avec la perte de mes capacités c’est qu’elle occasionne d’autres pertes secondaires qui font aussi mal que la perte elle-même. Je vous donne un bref exemple. Avec la perte de mes jambes, je ne peux plus faire de moto. Au-delà de ne plus pouvoir faire de moto, c’est avant tout la complicité que je partageais avec mes amis durant cette activité qui me manque. Discuter des paysages, des courbes que la route nous proposait un peu plus tôt, des coins nouvellement découverts, m’enchantait. Il suffisait de se regarder pour comprendre que ce que nous venions de partager était grandiose. Comme ces regards me manquent. Par ricochet, les deuils font donc place à d’autres deuils.

Je vis des émotions, des interrogations, des remises en question, des réflexions. Autour de moi, tout alimente et me ramène aux deuils que je vis notamment les conversations que j’ai, les lectures que je fais, les films que je visionne, les chansons que j’écoute, les photos que je regarde. Je ne peux y échapper. Le deuil est un processus long et complexe. Il n’est pas linéaire et contrôlable. Il faut le vivre et laisser au temps le temps d’accomplir son travail. Accepter la réalité de la perte n’est pas une chose facile mais je persiste à dire que la vie est belle. Je vais vers l’avant et j’imagine que demain m’apportera la force d’accepter ce que je ne peux contrôler et le pouvoir de reconnaître que l’avenir me réserve encore de nombreux bienfaits. Je suis confiante et je dis OUI à la vie!

Chantal Lanthier

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12 réponses sur « Des deuils encore et encore »

  1. Wow je sympathise tellement et je comprends car je le vie mais j’ai décidé de vivres chacun des moments au meilleur de moi même, courage à vous je vous envoie de la belle énergie câlins bisous 🤗🤗🤗🤗🤗🤗😘🕊🕊🕊🕊🕊🕊🕊👣💫🕊👼🏻👣💫🕊👼🏻🕊🕊🕊🕊🕊

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  2. Définition du mot éprouvée = Chantal Lanthier!!… Suite à ce témoignage on a tellement plus le droit de se plaindre😳
    Merci de me rappeler l’importance de vivre et apprécier le moment présent 😎

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  3. Je suis si impressionnée par la force de la nature que tu représentes. À la lecture de tes écrits, sans le savoir, tu nous donnes du courage pour affronter nos épreuves et nous encourager davantage à vivre et apprécier chaque petit bonheur au quotidien. 🙏

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  4. Omg….tu exprime tellement bien la vie, les deuils, les joies, les peines, les silences de la SLA (alias la bitch)
    Merci Chantal, on n’en se connais pas, nous sommes dans la même situation….et je t’aime sans te connaître!
    C’est quoi ton livre?? Ça m’intéresse…
    Bonne journée, chaleureusement!!
    Sylvie Bérubé

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    1. Merci Sylvie de ton commentaire. C’est vrai que toi et moi nous nous ressemblons dans notre façon de voir la vie. Mon livre parle de comment je fais face à la maladie et de ma vision de la vie malgré mes limites. Si tu n’étais si loin, j’irais t’en porter une exemplaire avec plaisir. Il se trouve dans toutes les librairies.xxx

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