On me dit souvent que mes yeux parlent. Par chance! Parce que je n’ai plus de voix. De tous les deuils que j’ai dû faire en cinq ans, à cause de la maladie, la perte de ma voix est de loin le plus pénible à vivre. C’est fou comme on prend certaines choses pour acquises.
Ma voix s’éteint, les mots se perdent. Je tolère mal mes silences, moi qui suis «verbomotrice». Cette incapacité naissante éveille chez moi une sourde rébellion que je sais pourtant déjà vouée à l’échec. Me limiter à quelques mots pour exprimer de simples petits désirs, pourtant si faciles à concevoir dans ma tête, est un vrai supplice. Perdre cette partie essentielle de moi, celle que j’utilise pour entrer en contact avec l’humanité, je le vis comme une déchirure. Ne plus parler a pour conséquence de m’isoler, d’ériger un mur virtuel entre moi et ceux que j’aime. Les conversations filent bien loin, avant que je trouve le temps de me faire comprendre ou de m’exprimer. Ma patience est mise à rude épreuve, comme celle de mes aidants. L’affaiblissement des muscles de ma gorge et de ma langue rend difficile l’articulation des mots. Ma prononciation en souffre gravement. Le débit ralentit et la modulation subit des variations involontaires. Quelquefois, je chuchote ou je crie, me surprenant moi-même. Je contrôle bien peu de choses.
Ma mâchoire se referme involontairement, à la manière d’un étau, ce qui me fait grincer des dents et provoque des douleurs lorsque j’ouvre la bouche. Il n’est pas rare que je m’éveille le matin avec l’intérieur des joues fortement tailladé.
Parfois, la colère bouillonne en moi, au point où j’en pleure de rage. À d’autres moments, songeant à d’heureuses anecdotes ou à des blagues que je n’ai pas le temps de raconter, je me mets à rire toute seule. Je vis de plus en plus dans ma tête. Mon cerveau roule à 100 milles à l’heure : il reste vif comme l’éclair, malgré ce corps qui répond de moins en moins bien à mes exigences.
Comme mon ami Michel me l’a si bien dit, je dois maintenant trouver ma «nouvelle voix (voie)»; celle de l’intérieur. Je dois accepter cette autre étape pour mieux la traverser.
Récemment, après un appel à la maison, une amie m’a fait remarquer que le répondeur téléphonique diffusait toujours ma voix : celle que j’ai perdue. Jocelyn refuse de l’effacer et j’approuve son choix. Je peux donc l’entendre à répétition, si je le souhaite. Elle existe sur demande, véritable vestige d’un temps révolu.
Il arrive que la compagnie de gens me pèse. Cet état de fait s’explique par mon incapacité à échanger et à partager l’essentiel de mes pensées. Mes récepteurs s’activent en permanence, mais mes transmetteurs sont morts. J’accueille, mais j’offre peu; du moins, c’est ainsi que je me sens. Je développe l’écoute attentive et je deviens la confidente parfaite! Celle qui recueille et qui ne dit mots!
Si j’avais encore ma voix, je dirais des tonnes de MERCI. Merci pour la belle journée, merci pour cette fabuleuse rencontre, merci de m’aider, merci pour votre don, merci d’être encore en vie. Je dirais aussi beaucoup de JE T’AIME aux personnes qui m’entourent et peut-être aussi……….
Ton amie Sylvie m’a enlevé les mots de la bouche. Oui merci et merci encore de partager ce cheminement si cruel. Si tu savais comme tu es une # aidante plus que naturelle # . Tu nous fais réfléchir au mot : # vivre # ! merci encore amitié, Ghislaine ( Blanchard)
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Chantal, si tu me permets, ne pense surtout pas que tu offres peu! Ce que tu offres est sans mot….vaut mille mots…et va bien au delà d’une conversation. Tu nous offres une belle leçon de vie par ton courage, ta résilience, ta générosité. Merci!
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Merci Sylvie!
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