Incertitude

Recevoir un diagnostic de maladie incurable signifie que j’apprends à vivre avec l’incertitude. Cela signifie aussi que mon diagnostic n’est pas la pire chose qui puisse m’arriver car je pourrais être déjà morte. Apprendre à vivre dans l’incertitude, c’est apprendre à avancer dans ma vie avec ce qu’elle a de plus beau et ce qu’elle a de mauvais à offrir. Ça signifie également me rendre compte que la SLA n’est qu’une partie de mon histoire. Au lieu d’imaginer le pire, je focalise sur ce que la maladie m’a fait découvrir ; ces petits espaces simples remplis de vie.

L’affaire importante dans cette fichue maladie, c’est de garder en tête la perspective que la SLA ne pourra jamais définir qui je suis réellement. Bien sûr, elle m’a amputé de beaucoup, mais je prends les outils dont je dispose et je les place dans le contexte de ma vie tout entière.  Évidemment, je vis avec la souffrance et la peur mais je ne leur permets pas de prendre toute la place et de devenir les principaux acteurs du voyage. Je m’attarde à ce dont j’ai besoin, à mes souhaits, à ce dont je rêve.

J’oscille constamment entre optimisme et pessimisme. Mes pulsions de vie et pulsions de mort se confrontent, se heurtent et s’expriment par l’ambivalence entre espoir et désespoir, entre fiction et raison, entre incertitude et résilience. Désespoir de constater que mon corps s’affaiblit de jour en jour et espoir de voir les recherches enfin aboutir. C’est une aventure marquée par les pertes mais aussi illuminée par des moments de force, d’amour et de courage inébranlable.

Il faut de la force pour faire face à la perte des capacités physiques et l’érosion de l’indépendance. Il faut de la résilience pour supporter l’isolement, la frustration et la peur qu’apporte la SLA. Et il faut un esprit inébranlable pour continuer à avancer.

L’annonce d’une maladie provoque généralement une réaction face à la peur de mourir, et qui se caractérise par différentes émotions. Stupeur, incrédulité, déni, culpabilité mais aussi révolte, tristesse ou dépression peuvent se succéder suivant un schéma qui varie d’un individu à l’autre. Il s’agit là de mécanismes de défense face à l’inconcevable. La santé est désormais perdue, la vie est menacée, et cela transforme notre rapport aux personnes, aux choses, aux lieux, au temps. La maladie grave remet en question nos croyances d’invulnérabilité, elle nous plonge dans l’insécurité et l’incertitude, elle nous oblige à revoir nos priorités. La maladie affaiblit le corps, elle s’attaque également à l’estime de soi, limitant encore plus la possibilité de prendre les choses en main.

Parfois j’éprouve une espèce de détachement envers la société parce que la maladie m’empêche d’aller où je veux. J’ai aussi l’impression de perdre la réciprocité dans mes rapports avec les autres parce que je ne peux plus communiquer et que je suis de plus en plus dépendante.

La maladie me conduit à ma vulnérabilité, à mes limites, à ma finitude. Je croyais maîtriser mon existence, pouvoir conserver un corps intact et en santé mais le destin en a décidé autrement.

Curieusement, la vie étant ainsi faite, c’est lorsque vous n’avez plus de temps que vous commencez enfin à le prendre et à le savourer pleinement. Il est regrettable de devoir entrevoir une finalité pour commencer à apprécier les petites choses de la vie et à en comprendre son importance.  La vie nous apporte son lot quotidien de surprises, de joies comme de défis. Elle vaut toutefois la peine d’être vécue à cent milles à l’heure et savourée pleinement à chaque seconde.

 

Chantal Lanthier

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4 réponses sur « Incertitude »

  1. Merci Chantal pour cet excellent article. Encore une fois tu nous plonges tête première dans les réalités de la maladie, la vie , la mort et en nous encourageant à choisir et mordre dans cette vie, parfois si difficile mais irremplaçable. Bon choix Chère amie, courage et affection sincère, Ghislaine

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      1. Moi non mes mon oncle préféré 🤫 a demandé l aide à mourir il y 4ans pas été facile pour lui il était actif il avait pas ton moral il avait encore beaucoup de projets il a beaucoup changé lorsque il a eu la nouvelle de sa maladie

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