Des hauts et des bas

J’ai connu plusieurs moments de déprime depuis l’annonce de mon diagnostic il y a déjà 11 ans. J’ai constaté que ces périodes coïncidaient toujours à la baisse de mes capacités motrices. Actuellement, je fais face à un déclin de mes bras et mains qui limite ma capacité d’écrire. J’ai de la difficulté à atteindre certaines touches sur mon clavier et je ne peux plus toucher aux éléments situés dans le haut de mon iPad. Écrire cette chronique m’a pris une semaine. Comme je ne parle plus, cela m’angoisse énormément car c’est ma seule façon de pouvoir m’exprimer. C’est vital pour moi d’être capable de partager par écrit mes questionnements, mes doutes et mes émotions.

À chaque fois que je constate une chute de mes capacités, je m’affole, m’effondre et me remets en question. « Est-ce ça la vie que je veux ? » me dis-je. Je sais que ma condition n’ira pas en s’améliorant. « Suis-je capable de faire face à cette nouvelle épreuve ? ».  Je dois constamment composer avec cette incertitude propre à la maladie dégénérative. Plus les années avancent, plus je suis consciente des limitations que m’impose mon corps. Cette perspective ne me quitte jamais vraiment. C’est comme vivre avec la mort en permanence avec soi. En même temps, je me sens très privilégiée du temps que j’ai eu jusqu’à maintenant.   

Quand cela survient, j’essaie de me convaincre d’utiliser mes techniques de gratitude, d’adopter un état d’esprit positif, de me concentrer sur les bonnes choses de ma vie, de rechercher des amis et des membres de ma famille qui me soutiennent et m’encouragent à donner le meilleur de moi-même, rien n’y fait. Je suis facilement irritable, morose et triste. Jocelyn sait que je vais rebondir éventuellement et me soutient. Comme on le dit : Je dois vivre ma peine! Je me sens seule et je réalise que je suis toujours seule à porter le poids de la maladie. Certes, je suis pris en charge par des professionnels compétents, je suis entourée par une famille aimante et attentionnée, mais aucune de ces personnes ne peut me rejoindre dans les épreuves que je traverse. Quand l’instant est grave, important ou difficile, on est seul, toujours. Faire affaire avec un psychologue? Difficile puisque je ne parle plus.

Pour moi, j’ai parfois l’impression que ma vie ne ressemble plus à une vie. À quoi vais-je m’accrocher ? Je dois puiser au plus profond de moi pour trouver cette réponse. L’épreuve de la maladie est une expérience des plus singulières de l’adaptation humaine. Face à la SLA, je dois constamment mobiliser mes ressources et faire face à l’épreuve. Je n’ai pas le choix. Il me faut faire avec; je dois m’adapter. J’ai réalisé que ces périodes viennent en alternance, en fonction de la perte de mes capacités motrices.

Au bout de quelques semaines de léthargie, j’ai commencé à faire des recherches sur Google et je suis tombée sur un outil extraordinaire. Il s’appelle Guided hands. Il s’agit d’un appareil d’assistance qui permet à toute personne ayant une motricité limitée d’écrire, de peindre, de dessiner. Il favorise les mouvements guidés de la main. Le système coulissant encourage l’utilisation de la motricité globale des épaules, plutôt que la motricité limitée des mains. Le porteur est polyvalent et compatible avec les stylos, crayons, pinceaux, marqueurs et stylets.

Nous avons demandé au CLSC de nous fournir cet appareil. Une ergothérapeute est venue à la maison pour évaluer ma capacité à utiliser ce merveilleux instrument. Il me permettrait de colorier des mandalas, de m’initier à la peinture et utiliser mon iPad pour écrire.

Je vous ai déjà dit que je pouvais écrire avec mes yeux mais l’expérience s’est avérée inefficace. Il aurait fallu que ma tête reste complètement immobile lorsque j’utilisais l’infrarouge. Ma tête et mon cou fonctionnent encore normalement alors j’ai tendance à toujours les bouger. Mon patenteux et mon amie Josée ont conçu un projet pour m’aider à écrire.  Ils ont installé un clavier tactile (trackpad) sur ma tablette que je mets sur mes cuisses et cela me sers de souris. J’utilise mon doigt pour naviguer et écrire. Le dispositif est près de moi et me permet d’accéder à toutes les touches mêmes celles qui sont dans le haut de l’écran de mon Ipad. C’est génial !

Finalement, j’ai réalisé que mes moments de déprime surviennent toujours avec la perte de mes capacités. Cela vient par vagues. Toutefois, je dois m’attarder aux choses positives qui me procurent du bonheur. L’important pour moi est d’avoir des projets en fonction des saisons. L’été est là, et la nature m’appelle. Je compte bien multiplier les sorties dans les parcs, voir des spectacles ou faire des balades en auto. Je dois faire avec, comme on dit et fabriquer moi-même mes instants de joie.

 

 Chantal Lanthier

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15 réponses sur « Des hauts et des bas »

  1. Allo Chantal,

    Je tombe à point sur cette chronique aujourd’hui car je vis avec une réduction de la fonctionnalité de mes mains depuis la mi-juillet. C’est une épreuve pour moi parce qu’en plus d’être limitée présentement, je sais que je devrais faire face à une dégénérescence. Ta chronique me donne espoir et me sensibilise à profiter de ce que la vie m’offre de beau au lieu de me projeter trop dans l’avenir et me sentir condamnée. Tu es une battante, un exemple à suivre.

    Merci!

    Isabelle Samson, ancienne APC du CFF

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  2. Merci Chantal, tu es tellement si touchante, si inspirante, j’apprends beaucoup avec toi. Tu es si forte: tu termines quand même et toujours ton texte qui arrache des larmes, sur une note positive car le mot  » espoir  » résonne dans chacun de tes récits de vie. Encore merci merveilleuse guide Chantal ❤️

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  3. Tu fais preuve d’une belle résilience. Tu es une battante, une femme décidée à embrasser la vie. Te lire nous rappelle l’importance de profiter de chaque moment et de ne rien prendre pour acquis. Continue à nous partager tes beaux témoignages. Je t’envoie pleins d’amour ❤️

    Laurent Gauvin
    (CX du CRR qui te suis depuis le début de tes épreuves)

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  4. J’ai beau te lire, te relire et te relire, je ne sais pas quoi dire. Et ne rien dire pourrait être perçu comme ne pas te lire. Alors, je fais quoi? J’écris. Pour ne pas dire grand-chose finalement. Seulement pour que tu saches que te lis toujours, que j’apprécie toujours et que je suis toujours sans mots. Voilà! Ce qui est dit est dit! Merci impressionnante, percutante, inspirante, battante et VIVANTE belle Chantal!!!

    Céline Laplante


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