Le dernier acte

Les gens vivent plus longtemps et les sociétés grisonnent. On en entend parler tout le temps. On le lit dans les journaux. On l’entend à la télévision. En un clin d’oeil, nous avons presque doublé la durée de notre vie. Nous vivons en moyenne, aujourd’hui, 34 années plus longtemps que nos grands-parents. Pensez-y! C’est une deuxième vie d’adulte complète qui a été ajoutée à notre vie.

Comme le disait Marie-Josée Panet Raymond  dans le magazine L’Itinéraire du 15 janvier 2019 : «Quand on regarde bien les choses, vieillir c’est un privilège. Un privilège d’avoir accumulé une vie remplie d’expériences, d’apprentissages, de relations, de rencontres enrichissantes, d’événements marquants, voire historiques. C’est d’avoir surmonté des épreuves et survécu à des drames, des peines et des malheurs. C’est d’avoir vu grandir des enfants et de les voir voler de leurs propres ailes. C’est d’avoir le bonheur de les voir devenir parents à leur tour ».

Les études prouvent que les gens plus âgés sont heureux. Ils sont plus heureux que les gens d’âge moyen, et certainement que les jeunes. Dans la vie de tous les jours, cela se traduit par une plus grande appréciation et une plus grande satisfaction. Les études arrivent à la même conclusion. C’est le paradoxe du vieillissement….lol. Après tout, vieillir, n’est pas de tout repos. Vieillir, ce n’est pas pour les moumounes……lol.

Je voudrais vous parler de ce que je ressens quand je vois mes rides dans le miroir, mon embonpoint, mes cheveux blancs, mes raideurs et que je me rends compte que certaines parties de mon corps tombent. Vous savez, il est très difficile de vieillir, dans notre culture.  Je suis en fauteuil roulant depuis six ans.  Je ne me vois pas comme une invalide. Dans ma tête, je danse, chante et marche. Nous nous sentons tous plus jeunes que notre âge réel, parce que l’esprit ne vieillit jamais.

Dès qu’on atteint 60 ans (ou plus jeune, comme moi, frappée par la maladie), ne devrait-on pas se demander ce qu’on veut faire de son dernier acte? Si la vie est divisée en tiers, le premier est généralement consacré à l’éducation, le deuxième à la famille/profession et le troisième à apprécier tout ça. Moi, je compte vivre passionnément. J’aime bien faire le parallèle entre le vieillissement et la maladie. Les similitudes sont nombreuses : la vulnérabilité, le corps qui faiblit, l’acceptation des soins, l’aménagement du logis, le lâcher-prise, l’éminence de la mort, etc.

Comment garder la passion ? Je m’entraîne, depuis un certain temps. Comment est-ce que je m’entraîne ? Je m’entraîne en disant oui à tout ce qui m’arrive : gens, endroits, mortalité, pertes, rires, pleurs, petits instants de bonheur, faiblesse du corps. Oui à la vie. J’ai choisi de rester passionnée et engagée. J’y travaille tous les jours.

Quand commence-t-on à vieillir ? La société décide quand vous commencez à vieillir, en général vers 60 ans, quand nous obtenons la carte  de  « L’âge d’or », mais en fait, nous commençons à vieillir dès la naissance. Nous sommes en train de vieillir en ce moment même.

Je n’ai plus rien à prouver. Je ne suis plus retenue par l’idée de qui j’ai été, qui je veux être, ou de ce que les autres attendent de moi. Je n’ai plus besoin de séduire. Je continue à dire à mon ego de dégager et de me laisser profiter de ce que j’ai encore. Mon corps se déglingue peut-être, mais pas mon cerveau. J’adore mon cerveau. Je me sens plus légère. Je ne garde aucune rancune, aucune ambition, aucune vanité, aucun de ces péchés moraux qui n’en valent même pas la peine. Ça fait du bien de se laisser aller. J’aurais dû commencer plus tôt. Je me sens aussi plus émotive parce que je n’ai pas peur d’être vulnérable. Je ne vois plus cela comme une faiblesse. J’ai acquis de la spiritualité. Je suis consciente qu’avant, la mort n’était pas très loin. Maintenant, elle est à ma porte, ou même chez moi. J’essaie de vivre en toute conscience et être dans le moment présent.

Admettre que nous ne vivrons pas éternellement change notre perspective de la vie de manière positive. En vieillissant et avec la maladie  (crash course), mes horizons de temps rétrécissent et mes objectifs ont changé. Comme je n’ai plus beaucoup de temps, je vois mes priorités plus clairement. Je fais moins de cas des peccadilles. Je savoure la vie. J’apprécie mieux, je suis plus ouverte à la réconciliation. J’investis dans les parties de ma vie plus importantes.

Je termine en vous disant de jouir de la vie malgré vos limitations et petits bobos. Profitez en pleinement et passionnément car certains n’ont parfois pas la chance de voir leur chevelure blanchir. 

Neil Selinger (auteur, atteint de la SLA) a dit : « Alors que mes muscles s’affaiblissaient, mon écriture devenait plus forte. Alors que je perdais lentement la parole, je gagnais ma voix. Alors que je diminuais, je grandissais. Alors que je perdais tant, je commençais finalement à me trouver. »

Chantal Lanthier

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7 réponses sur « Le dernier acte »

  1. Wow! Quand tu dis : je n’ai plus rien à prouver, ce que j’ai été ou que je serai et ce que les autres attendent de moi n’a plus la même importance quand on vieillit. Aussi: pas de rancune, pas d’ambition, pas de vanité, pas le temps pour des peccadilles… ton texte est tellement libérateur. Moi aussi j’ai senti cette légèreté dont tu parles en te lisant .Aussi, tu dis que vieillir nous donne le droit de ne plus avoir peur de notre vulnérabilité et se laisser aller à vivre nos émotions pleinement et s’investir dans ce qui est important pour nous maintenant. Quelles paroles de sagesse!!
    Encore une fois merci de nous amener dans ce monde de réflexion . Xx

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  2. Bravo ma belle Chantal. Tu as encore, une fois de plus, trouvé les mots qui résonnent ! De la légèreté à la profondeur. De plus, tu as ajouté de l’humour avec ces images qui m’ont fait rires et sourires. Une grande écrivaine ! Bien hâte de lire ton prochain texte. 🤗

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