Confrontée à des choix

Il survient un moment où la personne atteinte d’une maladie incurable et mortelle est confrontée à faire des choix. Vivre intensément le peu de temps qu’il lui reste ou investir dans le semblant de santé qu’elle possède encore. Confrontée à cela, j’ai récemment dû peser toutes les alternatives. Je vous explique. Mon médecin me demande de passer régulièrement des prises de sang. Mes derniers résultats affichaient un taux de cholestérol légèrement au-dessus de la limite. Elle m’a alors rencontrée et m’a suggéré de prendre un médicament ou de modifier mon alimentation. Je mangeais beaucoup de chocolat. Un petit plaisir que je m’accordais quotidiennement. Laisser fondre le morceau dans ma bouche me procure un intense bonheur. Dieu sait que je n’en ai plus beaucoup! Depuis que j’ai la SLA, j’ai dû faire le deuil d’une foule de choses et maintenant voilà qu’on m’en demande une de plus! Le médecin m’a aussi indiqué que l’option de ne rien faire existait toujours. Considérant que ma survie avec la SLA semble se prolonger, j’ai décidé de réduire mon niveau de chocolat. Pas question de m’en passer, diminuer seulement! Six mois plus tard, mon taux de cholestérol avait considérablement baissé.

La même chose est survenue quand j’ai reçu l’invitation gouvernementale pour la mammographie. Serai-je capable de trouver un endroit en mesure de m’accueillir avec mon fauteuil? Advenant un résultat positif, voudrais-je vraiment entreprendre les traitements qui s’imposent ? Eh, non merci. J’ai déchiqueté l’invitation. Parfois, il vaut mieux ne pas trop chercher. Pour ma part, j’ai déjà assez de la SLA. J’en ai plein les bras comme on le dit.

Il en est ainsi pour chacune des décisions qui jalonnent le parcours de la maladie. Est-ce que je souhaite la gastrostomie (tube greffé à l’estomac pour s’alimenter)? Moi, je l’ai déjà. Jusqu’où je suis prête à me rendre pour prolonger ma vie? J’ai déjà décidé que lorsque ma respiration sera difficile, quand je chercherai mon air, quand il ne me sera plus possible de respirer sans effort, je lèverai le camp….parce que l’ultime décision réside à demander l’aide médicale à mourir. La dernière décision, la plus…plus importante.

Le dilemme est-il de vivre à fond l’instant présent ou de prolonger  ma vie, le plus possible, dans ma condition? Fragile équilibre. J’y vais selon mes envies. Plusieurs d’entre vous auraient déjà abdiqué de vivre dans ma condition.  Où donc est la limite?  C’est le propre de chacun de déterminer ses paramètres. Pour certains dès que la dépendance est présente, il est inconcevable d’envisager la vie alors que pour d’autres il est impensable d’abdiquer tant et aussi longtemps qu’ils respirent (parfois même avec une trachéotomie).  Je crois que quand la maladie frappe, il est important de donner un sens à tout ce qui arrive. Bien sûr, il y a les nombreux deuils mais il faut aussi considérer la reconstruction psychologique consistant à se fixer de nouveaux objectifs : un défi personnel pour continuer de vivre. J’ai décidé de mettre ma propre expérience de vie au service des autres notamment en partageant mon histoire.

Ne trouvez-vous pas que la fragilité et la force des êtres humains se révèlent au travers des épreuves de la vie? On ne sait jamais par quelques funestes imprévus nous allons passer. J’ai été stoppée net dans mon vol : la violence et la brutalité du choc de la maladie m’ont plaquée au sol soudainement et, sans chance de riposter. Devoir me découvrir dans un autre corps me confronte à l’inadmissible et à l’insupportable. Comment reconstruire un futur en mobilisant toutes ses forces et ses capacités?

Si vous assistiez aux rencontres SLA à Lorraine, vous seriez en mesure de constater que de nombreuses personnes décident de vivre et parviennent au fil du temps à retrouver la lumière et à éclairer leur parcours chaotique d’une nouvelle étincelle de vie.  Évidemment, chacun suit sa propre trajectoire. Pour chacun, il a bien fallu se rendre à l’évidence : « c’est dégénératif ». Chacun garde en tête ce qui est perdu et ne reviendra jamais plus.

Lors de ces rencontres, j’ai remarqué cette pulsion de vie qui habite chacun. La maladie amène au développement d’une forme de spiritualité, ou plus simplement à une ouverture d’esprit, à une nouvelle vision du monde et de la vie.

Pour conclure, la maladie incurable et mortelle s’inscrit comme un point de rupture dans un parcours de vie. Faite de hauts et de bas, d’avancées et de reculs toujours dépendante de la force de vie qui habite la personne atteinte.  J’espère qu’en partageant mes écrits, je vous offre  un regard nouveau sur la manière de surmonter ce drame auquel vous pouvez tous, un jour ou l’autre, être confrontés.

Chantal Lanthier

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20 réponses sur « Confrontée à des choix »

  1. Oui nous devons tellement faire de choix et au quotidien.
    Oui il faut apprendre à se prioriser soi versus les autres, le don de soi était développé chez moi. Moi pour ma part, je commence à l’appliquer après 8 ans avec la SLA.
    Je suis allé à la mamographie et rendu là-bas, je me suis dit mais qu’est-ce que je fais là, j’ai déjà une maladie mortelle et cela a été ma dernière fois que j’y suis allée.
    L’aide médicale à mourir ce sera la plus difficile décision de ma vie. C’est pour cela que je l’apprivoise, que je réfléchis et fais des choix relatif comment je voudrai le vivre. J’ai le pouvoir de décider jusqu’à la fin.
    Oui il y a tellement de deuils, de pertes et oui il faut se donner un défi personnel pour continuer de vivre. Moi mon but c’était d’aider Ginette maintenant je dois me trouver de nouveaux buts.
    Moi aussi mon nouveau corps est tellement difficile à accepter.
    Au fil du temps, nous pouvons constater que notre pensée évolue et que nous avons le droit de changer d’idée.
    Oui le diagnostique d’une maladie incurable et mortelle change complètement notre vision de la vie.
    Eh oui Chantal, tu m’apportes tellement par tes textes, cela me permet de réfléchir, de grandir, de me remettre en question. J’ai besoin d’être en contact avec des gens qui vivent avec la SLA.

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    1. Chère Lyne. Moi je me fixe un objectif à toutes les saisons. C’est comme ça que je tiens le coup. Il faut se fixer un but pour vivre. Jocelyn et moi on vous en fixons un pour l’hiver 2024 qui est la Floride avec nous, on vous invite à nous rejoindre. Pensez y on aimerait bien ça. Gros câlins on vous aime.

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  2. Ma chère, je te comprends tellement. Surtout depuis 8 ans au moins que ma conjointe a été diagnostiquée de démence Fronto Temporale, une forme d’Alzheimer. Elle avait alors 61 ans et moi, 60 ans. Depuis plus de 4 ans, elle réside à Humanitae, résidence spécialisée pour les personnes atteintes de troubles de la mémoire à Québec.
    Et on me dit que je dois refaire ma vie. Facile à dire par ceux qui ne sont pas impliqués. Je l’aime toujours car elle m’a rendu heureux et jamais je ne pourrai aimer à nouveau tant et aussi longtemps qu’elle sera là physiquement. C’est mon unique AMOUREUSE.
    Il faut plutôt continuer à vivre en se permettant des petits plaisirs et en profiter quotidiennement. Sans plus.
    Merci de m’avoir partager ton message.

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  3. Bonjour Chantal, Je lis tous tes courriels. Celui-là est d’une importance dans ma vie.

    Je m’en vais voir ma mère demain afin qu’elle décide si elle veut aller dans une résidence car on vient d’apprendre qu’elle a un début d’alhzeimer et que cela dégénère tranquillement et qu’elle ne voit plus bien, alors si tu le permets, je vais me servir de ton courriel, car tu explique si bien.

    Merci! Je ne sais pas si tu te rappelle de moi, j’ai pris ma retraite en 2013 et c’est toi qui l’a signé et j’en suis très fière. Xxx

    Suzanne Comeau

    Le dim. 2 juill. 2023, 2 h 38 p.m., Parce que parfois, la pluie doit tomber

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    1. Bonjour Suzanne, je suis désolée d’apprendre que ta maman est malade. Il n’y a pas de décisions faciles dans ces cas là. Je suis de tout coeur avec toi. Je me souviens bien de toi. J’espère que tu profite de ta retraite. Bonne journée.

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  4. C’est bien compliqué tout « ça « : ni noir, ni blanc, que du gris et des compromis. Et, comme tu dis ce fragile équilibre est en constante évaluation, selon comment évoluent les facteurs les plus importants pour chaque personne. Et c’est comme ça pour toutes nos décisions, mais tu touches ici une question grave qui bouleverse vraiment tout et tout le monde.
    Heureusement pour nous que tu décides de nous faire profiter de ta merveilleuse plume à chaque mois.
    Merci courageuse Chantal, puisses-tu continuer très longtemps à partager avec nous, nous en sortons grandi et mieux informés.
    Nicole

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  5. Merci Chantal, je partage ton opinion. J’ai la SLA depuis mai 2021 mais depuis 3-4 mois ça c’est dégradé énormément. Je vais cette semaine pour le BIPAP et je suis en attente d’une gastrostomie. De plus j’ai de plus en plus de difficulté à marcher, manger, avaler et parler. A 75 ans j’ai bien vécu mais mon système est fatigué. Je vais faire un dernier effort pour améliorer un peu mon quotidien. Je suis donc à la croisée des chemins et j’envisage sagement les options qui me restent. Bonne journée

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      1. Merci Chantal,
        j’habite à Montréal Nord près de St-Michel. Je pensais aller à certaines rencontres à Ville Lorraine mais la plupart de mes rdv au CHUM ont eu lieu en même temps. De plus dernièrement j’ai eu plusieurs rdv tel que ORL, orthophoniste,pneumologue, physiatre, neurologue, inhalotherapeute, ergotherapeute, nutritionniste etc. Je garde en note les dates des prochaines rencontres.
        Bonne journée

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  6. Oui Lucie a fait ses choix! Je ne pouvais que l’accompagner dans ses décisions. Une des meilleures décisions de Lucie fut de profiter au maximum de la vie, avec moi. Activités diverses, saut en parachute et de multiples voyages qui nous ont fait vivre des aventures de 2015 à Janvier 2020. Mais l’évolution plus rapide de la maladie et la COVID a diminué ses capacités. Puis elle a choisi, tout comme Ginette, de mettre un terme à son emprisonnement, à sa paralysie devenait de plus en plus grande. Elle évaluait qu’elle perdait beaucoup de plaisir dans cette vie, grande difficulté à manger et gavage, paralysie de tous ses membres, ne plus pouvoir toucher ses petits enfants et toute la famille.

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